« Blanc », voilà un petit bijou de livre qui me semble promis à un joli parcours dans toutes nos librairies et bibliothèques de France. Un livre qui se veut le récit de courses en montagne. Allons donc, c’est mieux que cela !… C’est un cheminement, un voyage intérieur de trois alpinistes philosophes, pour qui l’ascension est d’abord une élévation spirituelle. D’ailleurs, le livre se sirote lentement par petites lapées, comme une infusion de sagesse. Chaque chapitre de deux ou trois pages représente une journée d’ascension. Rien de plus répétitif que la montée et la descente sur des champs de neige, avant la nuitée au refuge. Le récit devrait être ennuyeux, il est tout au contraire lumineux.
On reprend la lecture avec la même jouissance que la veille, baigné dans un univers de blanc cotonneux magnifié par une langue de cristal, ciselée comme les flocons de cette neige omniprésente. Quelle pureté ! Quel bonheur simple que cette plénitude de l’homme sur la montagne !…
Sylvain Tesson s’y révèle comme le plus grand écrivain du moment. Un homme qui réalise un exploit sportif avec ses deux compagnons; il se met en danger, connaît des passages critiques, frôle la catastrophe. Mais tel n’est pas l’objet du récit. Ces moments sont juste effleurés. Plus que le parcours, c’est le chemin qui compte. Les paysages, les montagnes luminescentes, les vallons enneigées, les traces laissées par les skis… Et surtout l’état d’esprit de nos trois vagabonds qui, sous l’effort et la souffrance, se répètent des poèmes, dissertent de la vie, s’étalonnent par rapport à des grands voyageurs d’antan ou des religieux rencontrés sur le chemin. Comme si l’oxygène des cimes rendait plus intelligents et plus sensibles nos trois pieds nickelés fuyant le covid des plaines. Un régal de lecture.
Ce livre m’a fait penser à « l’Alchimiste » de Paulo Coelho, soit la référence suprême. Une même légèreté, un filigrane spirituel et métaphysique, un parcours qui s’étiole dans un désert blanc celui-là, avec dans le cas de Tesson, un électrochoc régulier du lecteur par des formules littéraires tellement travaillées qu’elles le laissent sans voix. Certaines métaphores sont tellement parfaites qu’elles provoquent presque la larme à l’oeil.
Comment être aussi accompli dans l’écriture ? C’est du génie… Merci à Dieu d’avoir épargné cet homme dans l’accident de la vie auquel il a miraculeusement échappé…