Un Scorsese est comme un grand vin; on l’observe avec respect, en se demandant si ce sera un grand crû. L’appellation est contrôlée, l’origine noble, la déception quasi exclue… Mais quand même, on devine que ce « Silence » adapté du livre du Japonais Shusaku Endoo, est un défi pour un réalisateur, aussi grand soit-il. Et puis, pour parler du Christ et de foi, il faut une sacrée audace à une époque où les idoles s’appellent Kim Kardashian et Kanye West !…
Nul autre que Scorsese ne pouvait faire ce film. Dans toute son oeuvre, en premier lieu « Taxi Driver », il y a un filigrane de spiritualité. Mais là, le décor devient sujet. C’est la Foi et sa préservation dans un univers hostile qui constitue le coeur du film. La lutte des Chrétiens Japonais et de quelques missionnaires portugais contre la répression d’un pouvoir japonais hostile à tout corps étranger. Des Chrétiens persécutés, voilà un sujet d’actualité qui trouve une résonance dans notre présent. Sauf que l’histoire se passe au Japon en 1640.
Autant le dire tout de suite, « Silence » est un film ardu et aride. Une histoire très lente qui peut provoquer des bâillements chez un public non réceptif. C’est dur de rentrer dans l’histoire, au delà du livre d’images sur un Japon médiéval, beau à couper le souffle. Mais sans qu’on s’en rende compte s’instaure au fil des images une espèce de grâce qui vous accroche et vous capture. Ces missionnaires sont touchants par ce duel qui s’opère chez eux entre foi et instinct de préservation. Ce dernier s’impose le plus souvent… A l’inverse de leurs ouailles qui ne renient rien sous le regard de leurs pasteurs.
Pour cet exercice de piété chrétienne, Scorsese nous fait son film le moins grand public. Mais aussi le plus ambitieux. Le résultat n’est pas totalement réussi, car les 2h41mn sont un tantinet longues. Mais il y a sur ce film le souffle de l’esprit. Quelque chose de difficilement explicable qui est le résultat d’une sincérité absolue et d’un cocktail d’images fortes. Avec un Japon rural qui est très beau et redonne envie d’y (re)partir. L’interprétation est magnifique, avec deux interprètes principaux qui font des jésuites plus vrais que nature.
On remercie Scorsese d’avoir osé une telle histoire, si loin des canons actuels de la production cinématographique. C’est l’apanage des plus grands de pouvoir nous emmener dans leurs rêves. Il y arrive pleinement, sous réserve d’être bien dans l’état d’esprit de faire un voyage inhabituel dans les méandres de la foi…