« L’homme qui voyait à travers les visages » : il y a quelques centaines d’années, ce livre aurait valu à son auteur le bûcher. Et on croise les doigts pour que nos amis musulmans ne lui fassent pas de misère. Mais quel livre !
C’est la troisième fois, en moins d’un an, que je parle d’Eric-Emmanuel Schmitt. Cela tourne à l’obsession. Mais, que voulez-vous, l’homme est tellement prolifique. Il écrit les bouquins à la chaîne, au point sans doute qu’il arrivera bientôt à égaler Victor Hugo dans sa riche bibliographie. D’ailleurs, dans ce livre, Schmitt nous donne la raison très étonnante pourquoi il écrit autant.
Ce nouveau roman est assurément son oeuvre ( à ce jour ) la plus personnelle. Il s’inscrit dans la trajectoire de « la Nuit de feu » où l’auteur tend à dépasser ses personnages pour s’imposer dans l’histoire. Cette fois-ci, Schmitt fait encore plus fort. Il nous entraîne dans un roman contemporain légèrement coloré de science-fiction. C’est comme toujours très plaisant à lire. Même si le sujet d’un jeune homme un peu paumé pris dans l’enfer des attentats islamiques dans la petite ville de Charleroi, n’est pas à proprement parler reposant. Mais Schmitt raconte cette triste actualité avec une telle légèreté. On se laisse donc bercer par la petite musique de l’auteur.
Jusqu’à ce que Schmitt intervienne directement dans le livre, en devenant lui-même un personnage du roman que l’on vient interroger. Ce qui donne lieu à un exercice de haute voltige de dédoublement schizophrénique où l’auteur se pose à lui-même les questions qu’il voudrait se voir poser. Le roman devient du coup essai philosophique. Cela requiert, avouons-le, une attention redoublée de la part du lecteur un peu surpris dans son cheminement de lecture passive d’un roman. Mais cela en vaut assurément la chandelle. Car Schmitt poursuit son expérience personnelle de rencontre avec Dieu et il nous entraîne dans sa quête spirituelle avec brio.
Dans ‘L’homme qui voyait à travers les visages » nous avons droit à une interview exclusive de Dieu. Voilà un scoop d’édition qui mérite une couverture médiatique minimale !… C’est d’une audace inouïe. On adhère ou on arrête en se disant que ces auteurs à succès carburent décidément un peu trop à la cocaïne. Ce livre dérange aussi bien les croyants que les athées. Mais il est d’une intelligence folle.
Dans ce livre, Schmitt se dévoile aussi totalement. Il décrit sa façon d’écrire, ce qui offre pour le romancier amateur que je suis, les meilleures pages du roman. Au final, ce dernier opus du grand homme constitue le texte un peu ultime d’une série de livres à dominante spirituelle. C’est un livre audacieux et puissant. A lire et à relire, même si j’attends de mon auteur lyonnais préféré qu’il retrouve son sillon habituel, le savant dosage qu’il pratique avec maestria pour nous divertir, tout en nous élevant l’âme…