« L’homme irrationnel » rend triste…

 

Un Woody Allen crispant, c’est rare !… La faute à une histoire un peu alambiquée où l’immoralité n’est pas comme dans « Match Point » la conséquence d’un banal arbitrage sentimental, mais plutôt un jeu cynique apparaissant comme remède à la dépression. Woody nous a concocté un scénario à sa façon où Joaquin Phoenix va tuer, simplement pour se sentir mieux. Avec un tel script, on aurait pu avoir une histoire bien grinçante qui aurait pulvérisé les barrières de la morale. Mais non, Woody emprunte une autre voie, celle du retour de ce prof de philosophie disjoncté à la normalité d’une petite vie bien rangée, entre ses deux maîtresses, la jeune et la vieille. Il donne à la délicieuse Emma Stone un rôle crispant de Jeremy Cricket qui va finir par provoquer un dénouement un peu attendu. Sauf que, cette fois-ci, la morale triomphe avec l’aide d’un petit gadget de rien du tout…. On le voit, Woody a voulu reproduire la belle mécanique imparable de « Match Point », un de ses derniers grands succès. Mais hélas, il le fait avec une fausse légèreté qui ne sonne pas juste. Joaquin Phoenix a beau être un acteur génial, sa conversion de misanthrope blasé et las de la vie en nouvel épicurien renouvelé par le meurtre, ne passe pas vraiment. Certes, Woody nous a réalisé un bon film, une nouvelle fois. Il s’est, le temps d’un film, raccommodé avec la frange la plus exigeante de ses critiques. Mais il a laissé au bord de la route tous les autres, notamment ceux qui aiment en lui « le chantre du bonheur », le grand pourvoyeur d’ondes positives… « L’Homme irrationnel » rend triste… C’est bête !