
Ce roman m’a passablement indisposé, et j’ai mis donc trois mois pour le finir. Valérie Perrin est pourtant une romancière géniale. J’ai adoré « Changer l’eau des fleurs » et aimé « Trois ». Hélas, dans ce livre « Tata », elle pousse le bouchon un peu loin.
Expliquons-nous : la signature de Valerie Perrin est un style foisonnant, à la « Claude Lelouch », son compagnon dans la vie. Un style chargé de détails qui donne à ses personnages une densité impressionnante. Ils vivent sous nos yeux, avec leurs pensées, leur passé, leurs sentiments. C’est de la littérature immersive qui vous happe dans un récit proche de la vie. Cela peut être génial, mais comme Lelouch dans ses derniers films, il y a risque d’overdose quand cela prend une dimension trop forte.
Valerie Perrin est adepte du récit déstructuré, avec des flash-backs incessants. Il faut être très concentré pour cerner vite de quoi, de qui, de quand on parle. Dans « Trois », j’avais déjà évoqué cette impression de voir un kaléidoscope d’images tourbillonnantes pour saisir, à certains moments, quand le cerveau s’ajuste, un morceau de vie. Dans « Tata », la lumière s’apparente davantage à un stroboscope de boite de nuit, des flashs incessants qui figent le récit, pour passer immédiatement à autre chose. Une décomposition de l’intrigue qui vire à l’exercice de style, et devient indigeste. C’est triste, car l’auteur a un talent fou. Elle sait tricoter une histoire et s’appuie sans doute sur des expériences personnelles qui donnent une folle authenticité au récit.
Autre faux pas à mes yeux, « Tata » flirte à nouveau comme dans « Trois » avec le politiquement correct, les états d’âme consensuels, les faits de société un peu parachutés dans l’intrigue qui n’ont d’autres buts que d’être complaisants avec les lecteurs. Cette fois-ci, c’est le drame des victimes d’agressions sexuelles qui est ajouté au scénario, comme si ces passages compatissants étaient des étapes nécessaires pour se faire aimer et provoquer l’adhésion. Mais Valérie n’a pas besoin de ces grosses ficelles pour être aimée…
Le scénario de « Tata » est tarabiscoté, mais il soutient l’attention jusqu’au bout. L’auteur est une sacrée interprète de la vie des petites gens, ici dans une petite ville de Bourgogne. Des passages sont vraiment lumineux… Mais davantage de simplicité ne nuirait pas. Un récit court, musclé, condensé, et sans fioritures sociétales, tel est l’exercice d’atelier d’écriture que je suggérerais pour le prochain roman. Avec bienveillance et respect, pour retrouver simplement les émotions qui ont été les miennes à la lecture de la vie de Violette ( « Changer l’eau des fleurs » ).