Canal + refait l’actualité avec un reportage coup-de-poing sur le sexisme dans le sport avec un titre provocateur : « Je ne suis pas une salope, je suis journaliste ». Un documentaire qui vaut le déplacement et mérite d’être vu en replay par tous les abonnés Canal. Le milieu du journalisme sportif en prend plein les gencives…
Je ne suis pas grand amateur de sports, et avoue être passé à côté de la vague médiatique soulevée par une journaliste de France Télévision, Clementine Sarlat. Cette femme, après être partie en province et avoir changé de vie, a jeté un pavé dans la mare en dénonçant les harcèlements sexuels et professionnels que subissent les journalistes femmes du monde du sport. Son témoignage avait marqué les esprits. Quelque temps après, sa collègue de Canal+ Marie Portolano ose reprendre le flambeau avec ce reportage-brûlot qui décortique la chose, images et preuves à l’appui. C’est saisissant !…
Comment ne pas être consterné par la brutalité, le sexisme, les allusions graveleuses, le harcèlement sous de multiples formes que subissent ces jeunes femmes dont le seul tort est de s’intéresser et de vouloir jouer un rôle dans l’analyse de « sports masculins », le football en premier lieu, mais aussi le rugby, le tennis, l’athlétisme ?… On savait que les internautes peuvent être expéditifs, méchants et totalement misogynes, on le mesure chaque jour sur les réseaux sociaux. Mais c’est déstabilisant de voir que la lutte est aussi très chaude au sein des rédactions, où ces femmes doivent lutter pied à pied contre leurs collègues hommes pour défendre leur légitimité à commenter ces sports.
Le reportage, très bien construit, apporte une multitude d’exemples et de témoignages qui laissent le spectateur bouche bée. Thierry Rolland, maintenant décédé, mais aussi Pierre Menes ( dans un extrait coupé au montage, mais facilement retrouvable sur la toile ) donnent des exemples de mufleries qui sidèrent même le spectateur le plus indulgent. Ces femmes souvent jolies qui défilent dans des interviews très sensiblement menées, sont soumises à une pression permanente pour, au mieux, les décourager et, au pire, les forcer à « passer à la casserole ». Quand ce ne sont pas des insultes vulgaires émises à flot continu par des clubs de supporters qui ne supportent pas la moindre approximation de ces chroniqueuses en talons hauts.
Une analyse m’a semblé assez pertinente parmi toutes les tentatives d’explications. Le sport – le foot en particulier – restait, jusqu’à peu, un domaine réservé aux hommes où ils pratiquaient l’entre-soi et les blagues sexistes graveleuses en toute liberté. L’arrivée assez récente des femmes dans cet univers – voulue par quelques passionnées elles-mêmes, et renforcé par les besoins de parité d’une société en mutation – a jeté le trouble. Les quelques candidates tombaient au milieu d’une ruche pleine de testostérone ; elles étaient souvent considérées comme des imposteurs ne devant leur place, bien sûr qu’à des faveurs sexuelles. Potiches, imcompétentes, allumeuses, ces femmes ne sont définies que par leur sexe. D’où une avalanche d’avanies qu’elles ont dû subir pendant plusieurs années…
Le reportage est touchant. Les récits sont souvent émouvants, et on voit à quel point ces femmes ont vécu un enfer. Ces images sont donc hautement salutaires pour provoquer un sursaut et une prise de conscience. Bravo à Marie Portolano d’avoir ouvert le débat sur la place publique. Les femmes ont toute leur place dans le sport télévisuel. La force physique n’est, en aucune façon, une condition nécessaire pour commenter un sport physique. Et la beauté est assurément un plus, mais sûrement pas la raison unique de donner une mixité, de type plante verte, au journalisme sportif de nos chaînes.
Bravo, encore une fois, pour ce reportage qui est d’une grande puissance. Ces témoignages sont nécessaires pour entraîner des changements qui apparaissent déjà dans les jeunes générations. J’espère juste que notre société n’évoluera pas totalement vers le modèle américain de relations totalement neutres entre les sexes. Nous avons besoin d’échanges marquées sous le coin de la séduction, y compris dans le milieu professionnel qui offre de multiples occasions de rencontres. Il serait dommageable à mes yeux que nous perdions notre longue tradition de badinage et de compliments adressées occasionnellement au beau sexe. Le tout est de trouver le juste équilibre. Et de traquer les beaufs qui ont du mal à contraindre leurs hormones. Hélas, ils sont encore nombreux dans certains sports collectifs. Un triste constat, mais les choses changent… C’est heureux, et ce reportage ne peut que jouer en ce sens.