Christophe est mort comme il a vécu. Dans la discrétion… En plein confinement, touché par le virus qui fait peur… Victime connue d’un mal qui aura fait tomber célébrités comme anonymes. Le dandy aux longs cheveux qui aura gardé jusqu’à la mort une belle gueule de séducteur est parti dans l’indifférence. On ne peut s’empêcher de ressentir une impression d’injustice.
Je me souviens le jour de sa mort avoir voulu écouter sur Spotify quelques-uns de ses succès. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui avec l’émotion suscitée par sa mort chez quelques fans, mais en tapant ce jour-là « Christophe » dans le moteur de recherche, c’était Christophe Mae qui était spontanément proposé, et il fallait un peu d’insistance pour tomber sur le bon. Comment mieux symboliser l’oubli dans lequel était tombé l’auteur des « Mots bleus », « Aline » et des « Marionnettes » !
Ce chanteur et compositeur, chercheur avant tout de mélodies, a essayé de percer, tout en restant un peu à l’écart du barnum médiatique. Il n’aura eu que le défaut de sortir des chansons douces dans une période musicale très compétitive, où Michel Polnareff montrait ses fesses, Françoise Hardy susurrait des guimauves sucrées, France Gall jouait les ingénues et Nino Ferrer s’affichait comme un Crocodile Dundee avant l’heure… Sans parler de tous les anglo-saxons qui tenaient la vedette sur les radios.
Le plus dur dans la chanson, n’est pas forcément de percer, mais aussi de tenir. Et force est de constater que Christophe n’avait pas vraiment réussi à tenir le rythme au cours des années 80 et 90. Les jeunes générations ne connaissent rien de lui, si ce n’est quelques souvenirs audios auxquels ils ont du mal à coller un nom. Triste expression du temps qui passe, que seuls des êtres surnaturels comme Johnny Halliday réussissent à transcender ? Peut-être…
Je voudrais dire que, pour ma part, j’ai adhéré au bonhomme bien plus tard, à l’occasion de la sortie de son album « Comm’si la Terre penchait » en 2001. Un album qui fut, de manière incompréhensible, peu cité dans les nécrologies que j’ai pu lire à sa mort. Un album pourtant superbe, le plus abouti à mes yeux, et quasi un testament musical, quelque 19 ans avant sa mort.
Tout est haut perché dans cet album. Une voix qui flotte dans l’air comme venue de nulle part, aux accents chauds, mais aussi un peu métalliques comme s’il parlait de l’au-delà; un rythme chaloupé, une envoûtante impression de nostalgie qui éclate dans des chansons uniques que l’on a envie d’écouter dans le noir, ou en voiture quand toute votre équipage est tombé dans les bras de Morphée. Ce Christophe-là est génial, et mérite d’être écouté et ré-écouté. Tout son talent musical éclate comme un éclat lumineux dans la nuit noire de cet oubli qui l’a trop facilement enveloppé de son manteau.
Alors, bien sûr, tout le monde n’aimera pas. Le ton uniforme peut lasser, mais des chansons comme « J’aime l’Ennui », « La Man » ou « Nuage d’Or » vous feront assurément planer. Quant à « Voir », c’est la chanson que je retiendrai de l’artiste, avant toutes les autres. Mon coup de coeur pour le grand artiste qu’il a été…