Adieu Monsieur Haffmann

La pièce vient de reprendre à Paris, avant de faire une tournée en Province. C’est l’occasion de découvrir un spectacle magnifique qui a obtenu 4 Molières, dont celui du meilleur spectacle de Théâtre privé.

« Adieu Monsieur Hoffmann » est un petit bijou à voir absolument, en ces temps de montée insidieuse de l’antisémitisme. C’est l’histoire d’un bijoutier juif, Monsieur Haffmann qui, en 1942 à Paris, sent le vent tourner et décide de faire reprendre son commerce par son principal employé, Pierre Vigneau. Ce dernier accepte, à condition que son patron qui va rester cloîtré dans la cave du magasin, se prête au jeu de faire un enfant à sa femme, alors que lui-même est stérile. Contrat conclu après quelques hésitations de part et d’autre.

Le canevas est posé, source d’une tension croissante entre les deux hommes. Surtout que dame nature ne se laisse pas facilement domestiquer. Enfin, le magasin tournant bien sous l’effet de ventes à l’occupant allemand, Pierre finit par recevoir chez lui l’ambassadeur d’Allemagne Otto Abetz.

Ce scénario alambiqué, quoique rendu très crédible par le jeu des comédiens, offre quelques faces-à-faces homériques entre les deux hommes. Le juif passif qui a perdu son identité, sa liberté et l’amour des siens ; le commerçant actif qui saisit crânement sa chance, tient son rival en son pouvoir, mais souffre d’avoir perdu sa dignité dans un deal contre-nature. Le fragile équilibre entre les deux hommes tiendra-t-il alors que les menaces se font de plus en plus lourdes ?

Sur un terrain qu’on pourrait juger scabreux, l’auteur réussit parfaitement à tenir le cap. Son histoire est profondément humaine, avec un traitement très subtil du sacrifice imposé à la jeune femme. Le spectateur prend un réel plaisir à voir se développer cette relation à trois, marquée par une peur omniprésente. Le dîner final offre un point culminant à cette tension latente, avec un Otto Abetz, tantôt cajoleur tantôt menaçant. Un grand moment de théâtre avec un acteur épatant dans le rôle de l’ambassadeur allemand ( Molière de second rôle totalement mérité ).

Cette pièce est une bouffée d’air frais. L’idée de se faire faire un enfant par une autre race que soi-même, semble très improbable en 1942 où le juif était taxé de toutes les tares. Hélas la situation n’est pas meilleure aujourd’hui. Les juifs restent souvent ostracisés et les attaques contre des compatriotes juifs n’ont jamais été aussi élevées depuis longtemps. Rien que pour cela, ce spectacle mérite le déplacement comme outil d’apaisement entre les communautés. Merci à l’auteur Jean-Philippe Daguerre..

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