Le petit monde élégant de Pagnol

La trilogie de Pagnol est universellement connue. Marius-Fanny-Cesar nous sont intimement familiers. Le plus souvent d’ailleurs sans véritablement connaître les films. Des films en noir et blanc des années 30, vous pensez bien, Madame, c’est un peu désuet… Alors, on pense à eux autrement, en jouant aux cartes par exemple avec cette savoureuse réplique dans le film Marius « tu me fends le coeur ! ». Raimu y est exceptionnel…

Dans cette chronique familiale marseillaise, chef d’oeuvre d’émotion du grand Marcel Pagnol, j’ai une tendresse particulière pour le dernier, « Cesar ». Le film tourné en 1936 visait à donner une suite, alors que les précédents opus avaient été de grands succès. Pagnol l’avait écrit en urgence.

Le talent est là quand une oeuvre de commande se révèle la plus aboutie. « Cesar », le personnage joué par Raimu, est un grand moment d’émotion et de tendresse. Pagnol est au sommet de son art. Il y parle de mort, de devoir, de transmission, mais aussi de religion dans un court passage qui trouve une grande résonance dans notre quotidien. C’est tellement frais et riche de sentiments que l’on regrette vraiment que les jeunes générations ne s’y intéressent pas davantage. Les leçons de vie du sage provençal sont toujours d’actualité…

La scène sur le lit de mort de maître Panisse est un sommet d’humour. Jamais la fin de vie n’a été présentée avec autant de simplicité, de justesse et de sensibilité. Le grand Charpin qui devait, dans la vraie vie, mourir 8 ans plus tard y fait une composition qui aurait mérité le César, si le prix avait existé à l’époque. Et que dire de Raimu ? Il est sur ce dernier film tout en nuances. Moins fort en gueule que dans les deux films précédents. Il joue une partition très fine, comme pour montrer que l’âge vous polit avec le temps et vous bonifie.

Enfin Cesar donne lieu à une très longue tirade qui est avec celle du nez de Depardieu dans « Cyrano », celle de Valerie Benguigui dans « le Prénom » et celle de Pierre Arditi dans la première version de la pièce « Art » une des plus sensibles du répertoire.  C’est Pierre Fresnay ( Marius ) qui assène ses vérités en fin de film avec une fougue et une présence stupéfiante. Le spectateur boit ses paroles dans ce long cri de détresse qui mouille les yeux. Que c’est beau le cinéma quand il atteint un tel niveau d’intensité !

Orson Wells disait de Raimu qu’il était « le plus grand d’entre nous ». C’est peut-être vrai… Mais quand on lui ajoute l’écriture finement ciselée de Marcel Pagnol, on touche quasi au sublime. C’est pourquoi il faut sortir des placards les films de grand-papa, les voir et les revoir… La pureté des sentiments y est tellement belle.

Daniel Auteuil a fait récemment une nouvelle version très réussie de « la Fille du Puisatier », puis de « Marius » et de « Cesar ». Un beau travail de réhabilitation, ou plus exactement de mise sous les projecteurs de notre actualité. Bravo à lui… Mais, comme par hasard, il a calé devant le troisième, le fameux « Cesar ». Comme si Charpin, Raimu et Fresnay étaient irremplaçables.

Raison de plus de voir ce film en noir et blanc. Vous ne perdrez assurément pas votre temps…