« La Moustache », théâtre de l’audace…

La pièce vient de sortir et ne profite d’aucun bouche à oreilles, en dehors de quelques commentaires sur Billetreduc. Tous très flatteurs, mais on sait l’indépendance des commentaires de première… Le synopsis semblait original : un homme faible, au chômage et sous l’emprise de sa compagne, se prépare à recevoir son ( redoutable ) beau-père. Il entreprend de raser son bouc dans cette perspective, mais une panne d’électricité l’empêche de terminer, et il en sort avec une petite moustache à la Adolf Hitler. Ce qui va provoquer une série de réactions en chaîne…

« La Moustache » est une pièce écrite par un duo, Sacha Judaszko et Fabrice Donnio, deux comédiens qui se sont donnés un rôle dans la pièce, respectivement celui du gardien d’immeuble envahissant et celui du copain parasite. Les deux compères se sont donnés un challenge : faire rire autour d’une représentation d’Hitler et faire du racisme un sujet de dérision. Exercice périlleux, s’il en est…

Le personnage d’Hitler est tellement répulsif qu’il est difficile à aborder. La pièce « le Prénom » s’y était un peu frotté avec le choix du prénom d’Adolphe pour l’enfant à venir, mais c’était un peu accessoire dans l’intrigue. Comment parler de nazisme avec le sourire, si ce n’est en faisant du personnage principal la victime d’un concours de circonstances improbable lui prêtant l’étiquette de nazi. Etre nazi contre son gré, voilà le genre de cauchemar qu’on voudrait éviter.

Les deux auteurs réussissent-ils dans leur objectif ? La réponse est mitigée. Le récit est improbable, un peu tiré par les cheveux, et souvent le rire est jaune et téléphoné. Mais il faut leur reconnaître un certain entrain. La pièce est un déferlement de quiproquos qui finissent par entraîner l’hilarité. C’est parfois un peu lourd, souvent même, mais il y a de belles trouvailles et les comédiens se donnent sans compter. J’ai ressenti à des moments fugaces le même délire outrancier que dans le « père Noël est une ordure ». Un compliment, même si – soyons clair – la pièce n’atteint jamais la régularité dans le rire de cet illustre prédécesseur. En tout cas, les spectateurs rient de bon coeur, y compris dans les passages scabreux.

Quoi qu’il en soit, il est clair que ce spectacle ne plaira pas à tout le monde. Le travail d’équilibriste du récit peut agacer ou lasser. Mais, à l’heure où l’humour est souvent bridé par le politiquement correct, les intentions des deux auteurs sont louables, fidèles à l’esprit d’un Pierre Desproges.

Alors, si vous avez l’esprit ouvert, et que vous êtes bon public, vous pouvez vous laisser tenter. Les autres trouveront sûrement mieux dans l’offre actuelle des théâtres.