« Le Cavalier suédois », onirique et envoûtant…

Leo Perutz est un juif autrichien assez malin pour avoir quitté son pays à temps en 1938. C’est aussi un auteur prolifique qui a écrit de nombreux romans. Il est le maître d’un genre bien à lui, à savoir l’historique-fantastique, à savoir un récit qui flirte avec le fantastique dans un contexte historique bien campé. « Le Cavalier suédois » est jugé comme son chef d’oeuvre. A raison, me semble-t-il, même si je n’ai pas encore lu « le Marquis de Bolibar » qui a aussi marqué les esprits…

« Le Cavalier suédois » parle d’une femme âgée rédigeant ses mémoires. Elle y parle de son père, surnommé « le cavalier suédois » qui est mort à la guerre, quand elle était enfant. Ce même père s’est couvert de gloire sur les champs de bataille. Mais, dans le même temps, chaque soir, il venait la voir dans son lit, à l’insu de la maisonnée. A des milliers de kilomètres de ses champs de bataille… Elle n’a pas rêvé, elle en est sûre… Et un jour, alors qu’on annonçait sa mort quelques jours plus tôt, alors qu’il était venu la voir la veille, il n’est plus jamais revenu.

C’est dans l’histoire de ce cavalier suédois que nous entraîne Perutz avec un art de la narration remarquable. Il campe une ambiance froide comme les paysages d’un est lointain, pas loin de la frontière polonaise. La survie est difficile pour les gueux. Il faut faire preuve d’imagination. C’est ce à quoi s’emploie un voleur, jamais nommé autrement, qui décide de prendre la relève d’un déserteur, pas assez conscient de sa chance. Ce vagabond est un homme avisé qui veut s’attribuer un autre destin que le sien. Il va se donner les moyens de séduire une femme qui n’était abordable que dans ses rêves.

Un rêve qui va finir par se matérialiser; un nouveau statut de maître; la naissance d’une enfant… Jusqu’à ce que la roue du destin tourne à nouveau pour se retrouver quasi au point de départ.

« Le Cavalier suédois » est une formidable intrigue qui se révèle sous une plume simple et en même temps pétrie de mystères. Les forêts prussiennes et les forges de l’évêque, symbole de l’enfer, campent un univers fantasmatique. Il y a là l’os à moelle de nombreux films d’aventure qui se sont inspirés de l’histoire, sans revendiquer la paternité de l’auteur. Dans le registre de l’usurpation d’identité, il est vrai que le livre de Leo Perutz est une très belle mécanique. Les deux personnages connaissent deux vies qui font une boucle, avant de retrouver les rails de leur propre destinée. Ce scénario en cercle – la fin rejoignant le préambule – est franchement captivant. C’est la marque d’un auteur accompli, d’un grand écrivain…

« Le marquis de Bolibar » sera donc, assurément, une de mes prochaines découvertes…