Un ami qui fait du théâtre, nous a engagés à venir le voir dans sa pièce qu’il produisait dans l’appartement de son père. En petit comité donc, mais un intérieur bourgeois se prêtait bien à la pièce choisie, « Art » de Yasmina Reza.
« Art », une pièce étincelante… Le récit d’une passe d’armes de 1h30 entre trois amis qui s’étripent, suite à l’achat par l’un d’entre eux d’un tableau contemporain très cher montrant un fonds blanc avec des légères rayures blanches. Une pièce qui est maintenant un classique du répertoire… Notre ami et ses deux partenaires ont fait une prestation bluffante, en rien différente de vrais professionnels. Et cela nous a permis de replonger dans le texte finement ciselé de cette belle pièce. Un régal !
J’avais vu cette pièce en 1994 lors de sa sortie avec les trois maestro que sont Fabrice Lucchini, Pierre Vaneck et Pierre Arditi. Cela avait été un vrai coup de coeur, tant le plaisir du jeu et la précision du texte étaient pour le moins époustouflantes. Aujourd’hui, près de 25 ans après la première représentation, la magie opère toujours. Le texte n’a pris aucune ride. Cette pièce explore avec talent les ressorts de l’amitié et l’usure du temps sur les liens anciens. Les amis que l’on trouvaient si proches dans la jeunesse, et qui avec les ans, font des choix de vie matrimoniaux, professionnels ou personnels que l’on ne comprend plus. Une histoire qui parle à tous. Impossible ne pas trouver une résonance dans nos propres parcours.
D’ailleurs, j’ai retrouvé dans ma bibliothèque le texte de la pièce. Il était dédicacé en date du 21 juin 1996 par mon amie Nathalie qui me demandait de distribuer les rôles au sein de notre groupe d’amis. Chiche !
L’intérêt de revoir une pièce dont on connaît l’intrigue, est de s’attacher au texte. De savourer aussi les caractères subtilement brossés par Yasmina. L’occasion de découvrir que le rôle le plus juteux est celui d’Yvan ( joué par Arditi dans la version de 1994 ). J’étais un peu passé à côté de la chose en 1994 car Arditi qui est une forte personnalité, phagocyte un peu le personnage. Mais le texte dans la bouche d’un jeune acteur inconnu m’a saisi. Quelle jolie complexité que celle de cet homme faible, souple et conciliant, soumis à la tyrannie de sa mère et de sa promise. Ce rôle est sans doute un des plus beaux du théâtre moderne. Et comme tous les grands rôles, il contient une tirade célèbre, la fameuse « tirade d’Yvan », une explosion verbale de 3mn30 débitée par l’acteur sans reprendre son souffle. Une mitraille de mots d’un comique formidable.
Pour le plaisir, je vous joins le lien vers la pièce de 1994 que vous pourrez voir ou revoir. Mais si vous voulez vous contenter d’un morceau choisi, aussi magistral que le nez de Cyrano de Bergerac, penchez-vous sur la minute 34…. Et laissez-vous porter avec un sourire béat…