C’est un fait bien étrange. Une chose qui interpellerait tout extra-terrestre découvrant notre planète. L’être humain achète ses yaourts et ses petits pois dans un supermarché. Il trouve là tout ce qui est mangeable. Mais il arrive que le bipède faisant ses courses s’arrête devant une tête de gondole pour ajouter à son caddie, au milieu de ses victuailles, une bande dessinée probablement non comestible : le dernier « Asterix ».
C’est un achat d’impulsion qu’on fait par fidélité à ses plaisirs d’enfant, même si les deux derniers albums n’ont guère été emballants. Les distributeurs l’ont bien compris qui placent l’album dans des lieux inattendus. On achète le dernier Asterix comme on cède à un besoin pressant. C’est une attente collective que de retrouver notre petit Gaulois dans des aventures aussi colorées que les premiers albums. Attente le plus souvent déçue car on n’a pas encore trouvé le moyen de ressusciter le savoureux Goscinny.
Alors cette Transitalique ? Aussitôt lue, aussitôt oubliée ? Pas tout à fait… Pour ce 37ème album, on retrouve le tandem Ferri/Conrad qui a reçu, depuis trois albums, la lourde tâche de succéder à Goscinny/Uderzo. Le dessinateur Conrad est parfait car nos personnages n’ont pas changé d’un pouce sous ses coups de crayon. Mais pour ce qui est de broder une histoire, c’est une autre affaire.
Cette fois-ci, surprise : l’histoire démarre sur les chapeaux de roue. Le scénario est amusant, les jeux de mots fusent, les calembours sont cocasses, il y a quelques inventions subtiles comme le besoin affiché par le tailleur de menhir Obelix de « changer de carrière ». Le scénariste réalise aussi un vrai festival dans les jeux de mots autour des noms des différents personnages. Il y a bien longtemps que je n’avais tant ri sur un nouvel Asterix…
Hélas la suite ne tient pas toutes les promesses du début. Faute de consistance dans le scénario. L’histoire est un peu creuse et se termine trop vite. Surtout il manque la rigueur implacable des Goscinny-made pour donner une trajectoire sans fioritures au scénario.
Ne boudons pas quand même notre plaisir : cette Transitalique est à mes yeux le meilleur après le désastreux « Pictes » et le trop fade « Papyrus de Cesar ». Comme si les deux compères aux manettes de ce trésor national commençaient à oser, après avoir été impressionnés par la responsabilité très lourde qui leur incombait.
Soyons patients… Nous allons peut-être avoir de belles découvertes à l’avenir. Il vaut mieux d’ailleurs. Comment pouvons-nous vivre sans l’humour débridé de notre petit Gaulois ?