C’était évident !… Le prix Goncourt 2013 de Pierre Lemaître était un tel enchantement qu’un film devait suivre. Oui, mais pas n’importe quel réalisateur. Le livre était dense, profondément humain et comportait sa part de subversion et de douce folie qu’il fallait préserver. Albert Dupontel semblait taillé pour un tel défi. Et force est de reconnaître qu’il s’en acquitte superbement…
Sa réalisation est riche, et en même temps concentrée sur l’essentiel du roman. La scène de guerre du début, d’une extraordinaire sauvagerie campe bien le récit dans son jus psychologique. De même, le songe du jeune mutilé dresse en quelques jolies images sépias les relations familiales tendues qui sont le ressort essentiel de toute l’action. Bravo d’avoir ainsi capté l’essence du roman dès le premier quart d’heure. L’autre fait d’arme de Dupontel est de s’être entouré de costumiers hors-pairs, avec ces masques délirants qui donnent au personnage de gueule-cassée d’Edouard, cette étincelle de folie, de cynisme et de désenchantement qui baigne toutes les pages de Pierre Lemaître dans une profusion de mots millimétrés qui ont emballé le jury du Goncourt.
Enfin, et pour clore cette magnifique et très fidèle reconstitution, Dupontel a choisi des acteurs formidables avec Nahuel Perez Biscayart, jeune acteur aux yeux très expressifs dans le rôle du mutilé, mais aussi un Laurent Laffite, génial de cynisme, qui va tout droit vers l’Oscar, où je n’y comprends rien.
Tout dans ce récit participe d’un réel génie narratif, tant dans le sel de l’histoire que dans la description d’une époque. « Au revoir, là-haut » était un très grand bouquin. C’est devenu aussi un très grand film. Puissent d’ailleurs ces images inciter tous ceux qui sont passés à côté de ce grand moment de littérature, à découvrir le livre. Quand un auteur magnifie aussi bien notre Histoire commune dans un français de cristal, je me dis que notre belle langue a encore de belles années devant elle…