On me demande parfois quel écrivain m’a incité à écrire, quel est mon modèle en littérature. C’est difficile de faire un choix car nous sommes tous le fruit de nombreuses lectures depuis le plus jeune âge. Mais il y a un nom qui me vient souvent à l’esprit : Robert Merle.
A l’heure où l’on redécouvre la bataille de Dunkerque avec le beau film de Christopher Nolan, voilà un homme qui a justement combattu à Dunkerque. Il y a été fait prisonnier, et est resté trois ans prisonnier en Allemagne.
Une chance pour la littérature car cette longue inactivité lui a donné l’envie d’écrire. Et après la guerre, le professeur des écoles n’arrête pas d’écrire. Dès 1949, il remporte le prix Goncourt avec « week-end à Zuydcoote » dont Henri Verneuil fera un film avec Jean Paul Belmondo.
Plus tard, il sort un livre qui m’a passionné, « la Mort est mon métier », où il raconte, bien avant Jonathan Littell et ses « Bienveillantes » ( Goncourt 2006 ), l’histoire d’un commandant SS, chef de camp de concentration, bon époux, bon père, mais monstre à part entière. Livre remarquable…
Mais c’est le Robert Merle de la maturité qui m’a le plus passionné. De 1976 à la fin de sa vie, le vieux monsieur va écrire ce qui constitue son chef d’oeuvre : la série Fortune de France qui raconte l’histoire de France de 1547 à 1661, de manière ludique et anecdotique, avec les aventures d’un petit noble de province Pierre de Soriac, puis de son fils Pierre-Emmanuel.
Autant le dire tout de suite : j’ai dévoré les treize tomes. Robert Merle y fait preuve d’un sens du récit à la hauteur d’Alexandre Dumas avec ses Mousquetaires, ou de Maurice Druon et ses Rois maudits. La période qu’il a choisie, est celle de la Renaissance où la France sort du Moyen Age, et est en même temps ravagée par les guerres de religion. Une période d’une richesse incroyable que Merle nous fait aimer avec un talent de conteur incroyable. Ses personnages sont drôles, droits, intègres, humains, séducteurs avec les dames et rebelles avec les puissants. Ils traversent toutes les péripéties de la grande Histoire avec esprit et désinvolture.
Mais ce qui m’a le plus charmé chez Merle, c’est sa langue. Car l’écrivain a fait l’effort de retrouver les mots de l’époque. Des mots truculents et chatoyants qui traduisent un vrai travail d’historien de la langue. Et on se délecte à l’évocation de ribauderies, de picorée, de caïmans, de chambrières et d’arquebusades… Un régal !…