Le chef d’oeuvre majuscule…

« L’homme qui tua Liberty Valance », je ne peux pas revoir ce film sans connaître une profonde émotion. C’est mon film préféré, le film qui est pour moi le chef d’oeuvre absolu. Je peux le voir et le revoir, sans émousser les ressentis de la première fois. La dernière scène me laisse toujours la larme à l’oeil.

Un western ? Beaucoup n’iront pas plus loin… Le western est un genre mineur, proprement désuet pour beaucoup de spectateurs. Quand on ajoute que le film est en noir et blanc, la cause est entendue pour les jeunes générations. Elles préféreront passer leur chemin. En quoi, elles passeront à côté du film majuscule…

« L’homme qui tua Liberty Valance » est un film unique. Déjà son titre le différencie des autres par son côté mystérieux. Qui est ce Liberty Valance ? Pourquoi faire un héros de son tueur ? Un titre étrange, mais que vous retiendrez à coup sûr…

Bien sûr, le tandem d’acteurs vedettes, pour la première fois réunis, John Wayne et James Steward fait beaucoup pour la réussite du film. Ils sont excellents, Steward en avocat intègre et idéaliste, Wayne en homme de l’ombre déchiré. Mais c’est surtout le scénario et la patte artistique de Jon Ford qui fait de ce film le plus beau de mon movie parade.

L’histoire est magnifique, le scénario accompli au point d’être un objet d’étude dans toutes les écoles de cinéma. Quant à la photo, en noir et blanc, qui joue avec brio sur les jeux d’ombre, elle est confondante de beauté. Enfin, ce film est d’une modernité incroyable. Ford évoque tous les principes fondateurs des grands Etats d’Amérique : le besoin de droit, l’éducation des masses, le rôle puissant de la presse, et la vie politique ouverte à tous. Il faut voir la scène du migrant suédois, ému aux larmes et fier d’obtenir son droit de vote pour comprendre l’universalité des Etats Unis rêvés par Ford. Et que dire de la convention électorale entre les délégués des petites gens et les représentants des grands éleveurs de l’Ouest ? La folie, l’excès, la passion des enjeux électoraux chez le Grand Sam sont déjà inscrits dans ce film, précurseur en tout. Et le candidat des éleveurs, par son caractère primaire, est le parfait précurseur de Trump.

Ford avait tout annoncé. Il le fait avec l’expression de sa forte foi dans les valeurs de l’Amérique. Mais, en même temps, « L’homme qui tua Liberty Valance » est le film le plus nostalgique de toute la filmographie de Ford. Le vieux sénateur rentré sur ses terres pour enterrer ce héros de l’ombre auquel il doit tout, est fatigué et aspire à quitter Washington pour revenir dans sa région. Une génération de conquérants, gagnée par l’âge, raccroche les gants. Que feront les successeurs ? Le récit ne le dit pas, mais la forte nostalgie qui imprègne le film jette un voile sur cet avenir.

Alors, si une chaîne du cable, Netflix ou un DVD, vous donnent l’occasion de voir et revoir ce chef d’oeuvre, foncez !… Vous y découvrirez un récit différent en tout du western classique : un John Wayne pas du tout flambant, et torturé par des sentiments non partagés; un héros faisant la vaisselle et jouant les serveurs de restaurant ; un shérif qui ne pense qu’à manger et fuir la bagarre ; un duel non pas à deux, mais à trois… Tout est exceptionnel dans ce film.

« L’homme qui tua Liberty Valance » était le film préféré de mon père. Il est aussi le mien. C’est bien de réaliser que les valeurs sûres le restent au fil des générations. Espérons que demain saura apprécier, comme aujourd’hui, ce film magnifiant les valeurs des pionniers. Espérons aussi que Trump et ses électeurs sachent se replonger dans ses images porteuses d’espoir…