La pieuvre Amazon

C’est un reportage édifiant… On savait que le distributeur, devenu un champion de la logistique, avait des velléités de super-puissance, voire de monopole. Le parcours météorique de son cours de bourse semble d’ailleurs traduire la chose : les investisseurs ont les yeux de Chimène pour une société qui leur promet de sur-dominer le commerce mondial et d’écraser toute forme de concurrence

Ce reportage passionnant donne une vision réfrigérante de la chose. C’est à voir, pour ouvrir la réflexion, nourrir le débat et montrer les conséquences de notre consumérisme débridé qui refuse de voir des facteurs moraux dans l’émergence d’un géant menaçant le jeu de la concurrence. La concurrence est pourtant la base de notre système capitaliste.

Pour ma part, je n’ai jamais commandé sur Amazon. Au vu de ce reportage, je ne peux que m’en féliciter.

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Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait…

Après le littéraire « Mademoiselle de Joncquieres », le très sensible Emmanuel Mouret continue à explorer les rives de la relation amoureuse, et notamment ce petit territoire bavard qu’est le marivaudage, autrement dit, tout ce que le désir et l’amour suscitent chez l’être humain dans la parole et l’échange. Une fois de plus, c’est un langage très écrit, très dense, pétillant d’intelligence, et sans doute moins naturel de nos jours qu’au temps de l’amour courtois. Mais, une fois la chose acceptée, comment ne pas se laisser emporter par ces récits amoureux que deux étrangers se font l’un à l’autre, dans un relâchement total de toute pudeur et distanciation ? C’est subtil et d’un naturel totalement confondant au point que le spectateur se laisse happer dans une douce complicité avec ces personnages pour rentrer dans leur intimité et se laisser balloter à leur suite dans les tourments de l’amour partagé-non-partagé-trompé-oublié-renaissant. J’ai personnellement adoré…

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Au plaisir de Dieu

C’est le roman le plus personnel du prince de l’image aux yeux bleus dont le récent décès nous a tous laissés orphelins de son intelligence, de son élégance, de son humour et d’une certaine forme de fulgurance d’esprit « à la française »… Il y raconte avec sa verve habituelle sa propre famille, aristocrates de pères en fils depuis la fin des temps, qui va connaître sa chute au milieu du XXème siècle. Grandeur et décadence d’une famille à qui souriait la vie, et qui se laissait vivre de manière monolithiquement oisive. Jusqu’à ce que l’émergence de la République, les guerres, la modernité triomphante, les changements de moeurs, le droit civil, les combats politiques et enfin la disparition de Dieu fassent voler en éclat une entité collective pour la ramener à des individus luttant pour leur propre survie.

Un livre ethnologique en premier lieu, qui surprend le lecteur dans de multiples aspects. Le livre se veut familial, mais le narrateur, né d’un père mort à la guerre en 1917, est plus âgé de 15 ans que notre cher académicien. Le livre ne contient quasiment aucun dialogue ; il n’est guère autocentré sur ce narrateur dont on ne sait quasiment rien. On ne découvre qu’aux deux tiers de l’ouvrage qu’il s’appelle « Jean ». Et tout ce qui concerne sa vie, est quasiment occulté. Est-ce de la pudeur ? Ou de la distanciation ? 

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L’avenir est un long passé

Cela date déjà de 1998. Plus de 20 ans, mais toujours étonnamment moderne… L’album de Manau « La Tribu de Dana » est entré dans l’histoire de la musique. Un album qui garde sa fraîcheur, son inventivité, son rythme celte, et aussi par dessus tout, ses paroles envoûtantes…

Normal, direz-vous, c’est le propre d’un groupe de Rap que de se distinguer par ses paroles. Peut-être… Mais Manau va plus loin. Ce groupe, incarné surtout par son leader Martial Tricoche, auteur des principales chansons, a des textes qui en font un groupe à part. La puissance du verbe est telle qu’on est proche d’un Brel, d’un Brassens, d’un Ferrat, le rythme et la douce folie en plus.

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Du bonheur à la pelle

Que ferions-nous si nous avions la possibilité de reprendre notre vie d’adulte à zéro, revenir à nos vingt ans ? Referions-nous les mêmes choix ? A cette question, Marilyse Trecourt, auteur prolixe dans le registre « feel good » s’efforce de répondre avec un roman d’anticipation, « Le bonheur est un papillon ». Sympathique et bien léché. L’auteur que je ne connaissais pas a une superbe capacité à croquer la vie dans les menus détails du quotidien. Elle sait raconter une histoire, nous associer au destin de ses personnages et nous embarquer dans une aventure peu banale, (re)vivre dans un deuxième monde parallèle, avec la possibilité de revenir dans le monde d’origine. Pourquoi pas après tout ? On sent que l’auteur a profité de ce scénario pour reprendre les rails semble-t-il communs à ses nombreux ouvrages, à savoir donner, l’air de rien, des conseils de vie, mettre le lecteur dans un petit cocon ouaté où il se sentira bien. Un livre qui dans son titre comprend le mot « bonheur » a nécessairement de grandes ambitions. 

Autant l’avouer, je n’ai guère été emballé par cette lecture qui a été rendue possible grâce à Babelio. Je ne veux pas dire du mal de ce livre qui est d’une grande fraîcheur, avec une dose de naïveté qui lui donne un goût particulier. Cette littérature a assurément…

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