Elle est magnifique !… A l’aise sur scène, comme si elle y était née, Caroline Vigneaux est une étoile brillante du one-woman-show. « woman » insiste-t-elle avec énergie, car elle revendique et défend son sexe avec passion. C’est une femme assurément, jolie, ce qui ne gâche rien, mais une femme qui bouillonne intérieurement contre les affronts, les injustices et les avanies faites à la condition féminine. Son spectacle « Croque la pomme » est totalement orienté sur ce thème.
Fort bien, se disent les hommes, on va en prendre pour notre matricule. Est-ce la peine d’aller se faire assaisonner par une pasionaria féministe pratiquant l’outrance pour faire rire à nos dépens ? Eh bien non… Caroline est beaucoup plus fine. D’abord, elle aime les hommes ( bonne nouvelle ! ), et n’est pas du genre à brandir des slogans hostiles telle une Femen dépoitraillée ( déception ! ).
Son plaidoyer d’ancienne avocate est d’une intelligence folle. Elle rappelle l’histoire, les articles du code civil, les retards législatifs et les incohérences administratives pour montrer que « le deuxième sexe » n’a pas toujours été à la noce. C’est drôle, percutant et diablement efficace. Elle décoche ses flèches avec le sourire carnassier de celle qui a décidé de ne plus subir. C’est jouissif !… Sa gouaille emporte tout et emballe le public qui applaudit chaleureusement, y compris les hommes qui se rendent compte, un peu penauds, qu’ils n’ont pas toujours été fair-play avec leurs compagnes. Le spectacle réussit ce tour de force de rendre tout son public féministe, ou en tout cas, partisan d’une stricte égalité des sexes.
Là où l’aisance verbale d’une avocate transparaît, c’est dans sa faculté d’improvisation, de jouer avec l’assistance et de rebondir à d’éventuelles réactions du public. Ceux qui sortent imprudemment du bois, se font gentiment étriller. Caroline aime, en effet, avoir raison. Cela peut aller jusqu’à hurler avec les loups ( qui sont malheureusement souvent antisémites ) contre notre académicien modéré Alain Finkelkraut, qui a juste été imprudent dans un de ses propos. Seule petite faute de goût dans un spectacle, par ailleurs, vraiment enthousiasmant.
Dommage que ce spectacle qui tient l’affiche depuis longtemps, soit dans ses dernières. S’il devait être repris, en Province notamment, il mérite assurément le détour. Quant à la belle Caroline, je suivrai son parcours avec les yeux de Chimène.