Découverte permise par le site Babelio, « Il faut savoir perdre de vue le rivage » est un roman en psychologie positive, écrit par une experte de la chose qui a décidé de se moquer d’elle-même. C’est le récit d’une prophète du bonheur en état de perdition affective. Un récit, paraît-il, largement autobiographique… Au siècle de l’introspection maximale et de la littérature foisonnante sur le concept du bonheur, l’idée fait sourire. Les donneurs de leçon ne seraient pas les mieux lotis ? Tiens, donc…
Dans un style au dialogues omniprésents, Sophie Machot nous convie à sa propre analyse psy, teintée d’humour, d’ironie et d’auto-dérision. C’est d’autant plus riche et ancré dans le réel que l’héroïne Rose n’est qu’un clone de l’auteur. Elle se débat comme une araignée prise dans sa propre toile. Et cette écriture, puisée au fil de ses propres anxiétés, n’évite pas le risque d’une absence de distanciation et de hauteur de vue. Parfois l’intrigue s’égare un peu, et j’ai été à deux doigts d’interrompre cette lecture. Un peu too much dans l’autojustification… Mais le respect dû à une jeune auteur sympa m’a fait poursuivre, et je ne l’ai pas regretté. Le récit retrouve ses rails pour tricoter une histoire sensible, humaine, très humaine même qui ne peut que faire vibrer le lecteur ( et surtout la lectrice ) contemporain(e). Certes, les ficelles de ces messages au-delà de la mort sont un peu grosses, mais c’est fait intelligemment, donnant à l’histoire le souffle des bons sentiments. Et l’on se prend même à relire les leçons de vie, apportées par le mystérieux correspondant, tant elles peuvent trouver de l’écho dans notre propre vécu.
Là où Sophie est très convaincante, c’est dans son traitement tout en délicatesse de la foi religieuse. Elle aborde la chose dans une écriture de dentelle, peut-être pour ne pas paraître trop donneuse de leçon, d’autant que sa foi est en filigrane de son parcours. Comme si elle n’arrivait pas à exprimer cette leçon ultime, trop clivante dans une société sans Dieu, mais assez forte pour marquer durablement son approche du bonheur.
Au final, un roman personnel qui fleure bon l’aventure intérieure, avec les inconvénients non-évités de l’exercice. Mais la bonne volonté est tellement présente, le sens de la formule qui claque au vent si bien utilisé qu’on se laisse bercer par la lecture. Bravo pour ce joli livre… Mais si je peux me permettre un dernier conseil amical, le recours aux lettres majuscules et aux points de suspension, sont des outils inutiles. Le lecteur sent déjà bien le poids des mots, pourquoi en rajouter ?