8 décembre… Vous pouvez regarder dans le calendrier, c’est la fête de l’Immaculée Conception, autrement dit une seconde fête de la Vierge à côté du 15 Août.
Le 8 décembre, c’est aussi à Lyon, la fête des Lumières. Une grande fête qui dans mes souvenirs d’enfant égalait Noël par l’éclat des lumignons qui brillaient dans la nuit. Plusieurs fois, je me réveillais dans mon sommeil pour aller voir si les petites bougies étaient encore allumées sur le rebord des fenêtres de ma chambre. Et si une bougie restait allumée, c’était une grande victoire. Une victoire sur le temps qui passe. Cette bougie semblait me protéger, comme cette femme céleste à laquelle elle était dédiée.
Deux semaines plus tard, je me levais aussi, toujours en pyjama au milieu de la nuit, pour voir si le Père Noël était passé et avait rempli mes chaussures. A Lyon, décembre est un mois où l’on dort peu…
Le 8 décembre est une fête locale, comme j’ai pu le découvrir en venant à Paris où l’on ne fêtait pas la fête des lumières. Comment était-ce possible ? Ils ne mettent pas de lampions à leurs fenêtres ces Parisiens ? J’étais abasourdi… Je réalisais que le monde de mon enfance n’avait rien à voir avec l’universalité. C’est ce jour-là que j’ai réalisé que je n’étais pas que Français, européen et citoyen du monde. Mes racines lyonnaises se sont révélées à moi avec ma passion, que dis-je, mon besoin du 8 décembre.
J’ai pris l’habitude de fêter le 8 décembre, dès mes années d’études parisiennes. Je conviais mes amis, nous faisions la fête au son de la musique rock de ces années insouciantes et nous mettions ce soir-là des lumignons à nos fenêtres, éclairant la cité de Cergy-Pontoise de petites lumières isolées mais fortement symboliques. Nous étions en communion avec la cité lointaine qui nous avait vu grandir.
Par la suite, tous les ans, j’ai fêté le 8 décembre, en invitant des amis à la maison. Avant que cette tradition ne s’éteigne un peu, sous la paresse de nos obligations professionnelles et de la fatigue de journées en peu folles. Mais, toujours, nous avons pris le temps en famille, avec les enfants que cela amusait beaucoup, d’allumer des loupiottes sur nos fenêtres car déroger à la tradition aurait été perçue comme une certaine forme d’abandon.
Curieusement je ne suis jamais retourné à Lyon un soir de 8 décembre. J’ai peur d’être déçu. Je préfère que l’événement reste intact dans mes souvenirs. D’autant que la fête a perdu son sens religieux, pour devenir une fête païenne et commerciale. Lyon s’enorgueillit d’accueillir ces jours-là presqu’autant de touristes que la fête de la bière à Munich. Voilà, ce qu’est devenue la petite fête régionale à Marie voulue par la population lyonnaise le soir du 8 décembre 1852, soirée où l’on consacrait avec retard l’installation de la statue de la vierge à Fourvière, une statue qui domine la ville et l’inonde de toute sa bienveillance.
Marie a toujours compté dans la vie des Lyonnais qui sont restés fidèles au XVI siècle, dans leur grande majorité, à la foi catholique. Les Lyonnais ont toujours aimé vénérer Marie et tous les saints, ce qu’on voit bien quand on se promène dans le vieux Lyon, où des statues dans des coins d’immeuble veillent sur le bien-être de leurs occupants.
Les illuminations d’aujourd’hui sont celles de la mairie qui veut en mettre plein la vue. Hier c’était plutôt la découverte dans la ville de huit fenêtres sur dix allumées par des lampions multicolores qui constituait la plus belle des images. Cette transformation du 8 décembre s’inscrit dans un vaste mouvement de perte de la Foi, d’abandon de tout ancrage religieux, mais aussi d’ouverture sur d’autres religions qui pratiquent d’autres formes de cultes. Il est inutile de le combattre, c’est l’évolution naturelle d’une société agnostique et multi-culturelle. Mais on peut regretter le caractère bon-enfant et l’expression de Foi qui marquaient les illuminations passées.
La Foi a quitté le centre-ville pour se replier dans les foyers et dans les cœurs de chacun. C’est très bien comme cela et je me réjouis, à mon niveau, de perpétuer la tradition. Je ne suis plus dans un mouvement collectif, dans une adhésion massive à une démarche dont beaucoup ne comprennent même plus le sens. Je suis dans un rapport personnel à ma Foi. Mieux, au delà de cela, je revendique ma condition de Lyonnais qui me collera aux semelles jusqu’au dernier jour, même si, comme c’est probable, je ne reviendrai jamais vivre dans cette ville qui me tient tant à cœur.
Pourquoi ? je ne saurai dire… Peut-être simplement parce que j’y ai été heureux. Parce que c’est le berceau de ma famille, tel qu’on a pu l’identifier dès la moitié du XVIIIème siècle. Et on sait qu’un arbre ne pousse jamais aussi bien que lorsqu’il a des racines profondes.
J’espère qu’en ce jour de confusion dans l’ensemble du pays, le recours à l’aide de Marie permette à beaucoup d’y voir plus clair. Marie et ses loupiottes ont éclairé le chemin de plusieurs dizaines de générations avant nous. Puisse-t-elle continuer à le faire, et que tous mes compatriotes sachent qu’ils ont en elle une alliée quand les choses vont mal.