Bal tragique au Conseil Constitutionnel : un mort…

Le titre irrévérencieux du Canard Enchaîné lors du décès de De Gaulle m’a inspiré… La mort de Giscard est un événement qui va faire couler beaucoup d’encre dans un pays qui se complaît dans les commémorations en tout genre. Tout le monde va se fendre d’un billet, d’un souvenir, d’un hommage appuyé au grand homme. Comment rester étranger à l’exercice ? Comment ne pas exprimer son ressenti devant le bilan d’un homme qui a été, sept années durant, le premier d’entre nous ?

Pourtant, alors que je suis un homme de droite, l’événement me laisse froid. Giscard était mort, à mes yeux, depuis longtemps. Non pas en 1981, sa courte défaite était compréhensible après la crise issue du choc pétrolier. Mais plutôt après, quand il n’a rien entrepris pour fédérer les siens, et qu’il a fini par agacer tout le monde par son arrogance et son hauteur de vue qui ne le rendait guère accessible. Les médias nous racontent l’histoire d’un homme aimant les petites gens et qui a cassé le sacre de la communication politique quelque peu empesée de ses deux prédécesseurs. Un homme moderne qui parlait à tous. Ce n’est pas faux, mais comment juger l’homme d’hier, sans intégrer celui qu’il a été après ?

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Kafka chez Fnac-Darty

Petite mésaventure d’un acheteur digital… 

Supposons que vous êtes un consommateur responsable qui ne veut pas passer par la pieuvre Amazon pour faire vos achats. Vous préférez opter pour un champion national qui paye ses impôts en France. Vous vous rengorgez de cet acte citoyen. Les GAFA ne passeront pas par vous… 

Vous achetez donc sur Fnac.com un bel aspirateur Dyson qui fait de l’oeil à toute la famille pour ses qualités remarquables. Tiens, tiens, la Fnac pratique des bons prix… Vous êtes heureux. Vous vous êtes adressé à l’enseigne qui cumule « le contrat de confiance » et la proximité d’un ex-groupement coopératif.

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Tir à vue contre Facebook & Consorts

Quand le journaliste demande à Tim Kendall, ancien responsable de la monétisation de Facebook et ex-directeur de Pinterest, ce qui l’inquiète le plus dans le développement exponentiel des réseaux sociaux, il soupire et réfléchit un bref instant avant de répondre. « A très court terme ? La guerre civile. »

Une réponse brutale qui prend un relief particulier, alors que Républicains et Démocrates sont aux Etats Unis à deux doigts de s’étriper, et que chez nous, les exactions d’Islamistes créent des tensions communautaires grandissantes. Comment deux pays aux racines démocratiques profondes ont-ils pu en arriver là ? La faute aux réseaux sociaux, nous dit ce reportage de Netflix, qui mérite à lui seul de s’abonner à la chaîne US ( ou faire comme moi, obtenir quelques heures les liens de connexions d’un abonné ). Sincèrement, cela vaut le déplacement… Jamais je n’avais vu des Américains issus du monde digital tirer, à ce point, à boulets rouges sur le monde qu’ils ont contribué à créer.

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Se perdre aux Marquises…

« Au Soleil Redouté », la référence à la chanson de Brel est explicite, une des ses plus belles, « Les Marquises ». Ces îles perdues du bout du monde dont le poète chanteur était tombé amoureux. Bussi nous y transporte dans un nouveau polar exotique et déroutant, qui s’approche de l’exercice de style.

Beaucoup y ont trouvé des références à Agatha Christie et ses « 10 petits nègres ». Certes, mais je trouve plus pertinent le rapprochement avec « le crime de l’Orient Express » : une même unité de lieu; un confinement géographique; des personnages pris dans la nasse, sans échappatoire; des ramifications souterraines entre les protagonistes; un inspecteur parmi les voyageurs qui enquête…

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L’Histoire qui fait pleurer…

Il y a bien longtemps que je n’avais autant vibré à une série télévisée ! J’ai même été ému aux larmes à certaine scènes intimistes qui transcendent la personnalité du grand Homme.

France 2 porte, en effet, très haut les couleurs du service public avec la fiction sur de Gaulle passée hier au soir ( « de Gaulle, l’éclat et le secret » ). Des images d’une grande puissance émotionnelle… J’en tremble encore… François Velle, le réalisateur, a su si bien saisir la texture du personnage, le personnage public que l’on connaît, mais aussi l’homme privé, tellement discret que la découverte n’en est que plus sublime.

Le réalisateur, flanqué de deux scénaristes qu’il faut remercier, a extrait de la vie foisonnante du Général quelques moments intenses. Il se concentre sur l’essentiel pour montrer l’homme de coeur dans ses rapports avec sa fille handicapée, le patriote dans ses rapports parfois houleux avec Churchill, le juste qui sous-pèse l’action des collabos lors de l’épuration, le démocrate qui refuse de rétablir une République qui n’avait, à ses yeux, jamais continué d’exister, l’homme de principe qui se retire du pouvoir après la guerre pour s’exclure des petits jeux politiciens, l’homme seul qui se tient à l’écart, en espérant trouver son heure dans un avenir incertain… Et puis, aussi celui qui montre indulgence et tendresse pour les femmes, toutes les femmes, porteuses de l’humanité et des futures lignées.

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« Adieu les cons », Dupontel en lévitation…

Au fil des films, ce garçon prend de la consistance… L’épaisseur d’un réalisateur qui a sa griffe, reconnaissable entre toutes, comme avant lui Hitchcock ou Truffeau. Assurément, Dupontel se bonifie lentement; comme un bon vin bien charpenté, je dirai un Cahors qui vous secoue les papilles de manière inattendue. Il y a là une dose puissante d’euphorisant, un soupçon de cynisme, une belle texture de folie et de poésie. Avec « Adieu les cons » le rationnel s’évanouit pour nous laisser entrer dans un monde parallèle.Tout y est possible, si vous acceptez le lâcher-prise de départ. Cela tourne vite à la fable qui égratigne l’époque avec férocité. La scène du métro qui défile lentement avec un jeu d’ombres et de lumières où une foule dense n’est éclairée que par les éclats des téléphones portables de chacun, voilà une scène d’anthologie….

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Doux comme de la soie… lyonnaise

Dans la région lyonnaise, les aventures du commissaire Abel Severac commencent à être un vrai succès d’édition. Pensez-donc, six romans publiés à ce jour chez les Editions AO, qui se passent chacun dans des arrondissements différents de la ville de Lyon. Cela nous promet donc encore trois opus, et c’est une excellente nouvelle…

Rouge Vaise est le second livre que je découvre après « L’inconnu de la Tête d’Or » que j’avais adoré. Il est vrai, je suis Lyonnais, attaché à ma ville de naissance et suis flatté que l’auteur, Jacques Morize, un Parisien exilé en bord du Rhone, de Saone et du Beaujolais se soit entiché de ma ville de coeur au point de délicatement la magnifier dans chacun de ses romans. Avant d’être des polars délicatement ciselés, les romans de Jacques Morize sont une vraie déclaration d’amour à la ville de Lyon, célèbre pour ses chefs en cuisine, sa rosette, ses grattons et ses bords de fleuve où il fait bon flâner, les yeux rivés sur la basilique de Fourvière.

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Sulfure au temps de Victoria

Je suis toujours épaté quand un auteur contemporain arrive à retranscrire une époque lointaine avec minutie, au point qu’on se sent obligé de vérifier si l’on ne s’est pas trompé sur sa date de naissance. Arriver à raconter les années 1880 en donnant une texture au récit dense et patiemment tricotée relève d’un travail d’historien. Et on sourit à ces retours en arrière qui se situent dans les années 1840 ou encore à celles de la guerre de Crimée. Mais oui, bien sûr, cela a l’air tellement naturel.

Robert Goddard est un écrivain britannique très prolifique. Et on peut le créditer d’un certain savoir-faire pour nous raconter une histoire. C’est long, dense et totalement immersif. Replonger tous les soirs après le bureau dans le Londres des calèches de l’époque victorienne m’a procuré beaucoup de plaisir.

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La culture du pas sérieux

Formidable reportage du Figaro Magazine qui raconte un événement futile de quelques pieds nickelés en haut-de-forme. Sur les traces d’Arsène Lupin, l’anarchiste de droite Sylvain Tesson et quelques potes ont entrepris de gravir l’aiguille creuse d’Etretat. Tout cela en tenue vestimentaire de la fin de siècle… Mais pourquoi donc ? diront les pisse-vinaigres raisonneurs de notre siècle. Tout simplement, parce qu’un vieux topo d’escalade relatait qu’une cordée de l’armée allemande avait gravi l’aiguille en 1942. Un événement fâcheux, car « si personne ne l’a reprise depuis, elle est peut-être encore sous domination du Reich »…

L’humour en bandoulière, Tesson & co ont réussi l’ascension pour hisser là-haut le drapeau tricolore. Mais la pochade ne s’arrêta pas là. Ils ont posé là-haut une plaque citant Arsène Lupin et lancé un appel du haut de l’aiguille. Un petit bijou d’intelligence qui dénonce les bêtises et jérémiades d’une société engluée dans le covid. Savoureux et décalé. De l’humour comme je l’aime…

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Karim, magicien des mots

L’amoureux des mots que je suis, ne peut que vibrer à ce petit film où le mot « confinement », mot oublié du dictionnaire, se glorifie tout d’un coup devant son nouveau succès… C’est brillant, subtil et plein d’humour. Karim Duval manie, il est vrai, un humour ciselé comme de la dentelle. C’est beau l’intelligence et la subtilité….

Cachez moi cette réalité…

En amour, la guerre ne fait pas de quartiers… Telle pourrait être la conclusion des « Apparences », film dont le nom dévoile déjà un peu le jeu d’ombres et de lumières auquel on va assister. Un récit dans une ville étrangère peu connue, une caméra qui se donne des airs hitchcockiens dès le début avec une Karin Viard qui monte des marches en proie à une indéfinissable tension, des petits détails troublants qui émaillent la montée du doute…

Nous sommes au coeur d’un adultère comme il en existe beaucoup. Mais celui-là ne peut bien se terminer car il s’oppose trop à l’image de bonheur sur papier glacé que donne ce couple pour la galerie des mélomanes de la musique classique ( lui est chef d’orchestre ) et de la petite communauté cancanière des expatriés français dans la ville de Vienne.

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La pieuvre Amazon

C’est un reportage édifiant… On savait que le distributeur, devenu un champion de la logistique, avait des velléités de super-puissance, voire de monopole. Le parcours météorique de son cours de bourse semble d’ailleurs traduire la chose : les investisseurs ont les yeux de Chimène pour une société qui leur promet de sur-dominer le commerce mondial et d’écraser toute forme de concurrence

Ce reportage passionnant donne une vision réfrigérante de la chose. C’est à voir, pour ouvrir la réflexion, nourrir le débat et montrer les conséquences de notre consumérisme débridé qui refuse de voir des facteurs moraux dans l’émergence d’un géant menaçant le jeu de la concurrence. La concurrence est pourtant la base de notre système capitaliste.

Pour ma part, je n’ai jamais commandé sur Amazon. Au vu de ce reportage, je ne peux que m’en féliciter.

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Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait…

Après le littéraire « Mademoiselle de Joncquieres », le très sensible Emmanuel Mouret continue à explorer les rives de la relation amoureuse, et notamment ce petit territoire bavard qu’est le marivaudage, autrement dit, tout ce que le désir et l’amour suscitent chez l’être humain dans la parole et l’échange. Une fois de plus, c’est un langage très écrit, très dense, pétillant d’intelligence, et sans doute moins naturel de nos jours qu’au temps de l’amour courtois. Mais, une fois la chose acceptée, comment ne pas se laisser emporter par ces récits amoureux que deux étrangers se font l’un à l’autre, dans un relâchement total de toute pudeur et distanciation ? C’est subtil et d’un naturel totalement confondant au point que le spectateur se laisse happer dans une douce complicité avec ces personnages pour rentrer dans leur intimité et se laisser balloter à leur suite dans les tourments de l’amour partagé-non-partagé-trompé-oublié-renaissant. J’ai personnellement adoré…

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Au plaisir de Dieu

C’est le roman le plus personnel du prince de l’image aux yeux bleus dont le récent décès nous a tous laissés orphelins de son intelligence, de son élégance, de son humour et d’une certaine forme de fulgurance d’esprit « à la française »… Il y raconte avec sa verve habituelle sa propre famille, aristocrates de pères en fils depuis la fin des temps, qui va connaître sa chute au milieu du XXème siècle. Grandeur et décadence d’une famille à qui souriait la vie, et qui se laissait vivre de manière monolithiquement oisive. Jusqu’à ce que l’émergence de la République, les guerres, la modernité triomphante, les changements de moeurs, le droit civil, les combats politiques et enfin la disparition de Dieu fassent voler en éclat une entité collective pour la ramener à des individus luttant pour leur propre survie.

Un livre ethnologique en premier lieu, qui surprend le lecteur dans de multiples aspects. Le livre se veut familial, mais le narrateur, né d’un père mort à la guerre en 1917, est plus âgé de 15 ans que notre cher académicien. Le livre ne contient quasiment aucun dialogue ; il n’est guère autocentré sur ce narrateur dont on ne sait quasiment rien. On ne découvre qu’aux deux tiers de l’ouvrage qu’il s’appelle « Jean ». Et tout ce qui concerne sa vie, est quasiment occulté. Est-ce de la pudeur ? Ou de la distanciation ? 

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L’avenir est un long passé

Cela date déjà de 1998. Plus de 20 ans, mais toujours étonnamment moderne… L’album de Manau « La Tribu de Dana » est entré dans l’histoire de la musique. Un album qui garde sa fraîcheur, son inventivité, son rythme celte, et aussi par dessus tout, ses paroles envoûtantes…

Normal, direz-vous, c’est le propre d’un groupe de Rap que de se distinguer par ses paroles. Peut-être… Mais Manau va plus loin. Ce groupe, incarné surtout par son leader Martial Tricoche, auteur des principales chansons, a des textes qui en font un groupe à part. La puissance du verbe est telle qu’on est proche d’un Brel, d’un Brassens, d’un Ferrat, le rythme et la douce folie en plus.

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Du bonheur à la pelle

Que ferions-nous si nous avions la possibilité de reprendre notre vie d’adulte à zéro, revenir à nos vingt ans ? Referions-nous les mêmes choix ? A cette question, Marilyse Trecourt, auteur prolixe dans le registre « feel good » s’efforce de répondre avec un roman d’anticipation, « Le bonheur est un papillon ». Sympathique et bien léché. L’auteur que je ne connaissais pas a une superbe capacité à croquer la vie dans les menus détails du quotidien. Elle sait raconter une histoire, nous associer au destin de ses personnages et nous embarquer dans une aventure peu banale, (re)vivre dans un deuxième monde parallèle, avec la possibilité de revenir dans le monde d’origine. Pourquoi pas après tout ? On sent que l’auteur a profité de ce scénario pour reprendre les rails semble-t-il communs à ses nombreux ouvrages, à savoir donner, l’air de rien, des conseils de vie, mettre le lecteur dans un petit cocon ouaté où il se sentira bien. Un livre qui dans son titre comprend le mot « bonheur » a nécessairement de grandes ambitions. 

Autant l’avouer, je n’ai guère été emballé par cette lecture qui a été rendue possible grâce à Babelio. Je ne veux pas dire du mal de ce livre qui est d’une grande fraîcheur, avec une dose de naïveté qui lui donne un goût particulier. Cette littérature a assurément…

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Premier roman plein d’élan

C’est toujours un exercice fascinant de voir un ami se lancer dans l’aventure d’écrire un livre. Au delà de la personnalité que l’on connaît, on y découvre une autre facette de lui, plus artistique, plus sensible. L’ouverture sur le monde de l’imaginaire déplace les frontières. Les mots qui s’articulent dans un long et sinueux cortège plein de sens, retracent au pointillé les traits de celui qu’on croyait bien connaître. L’image bouge; l’esprit se dévoile; les idées fausses sautent joyeusement de leur coquille…Un homme ne se limite jamais à l’idée qu’on s’en fait.

Fort de cette belle perspective, je me suis attelé à lire « la Mémoire en héritage ». Pour son premier roman, Florent de Cournuaud s’est attaqué à un sujet précieux au quinquagénaire que je suis : la transmission, le passage du relais générationnel, pour perpétuer un souvenir, une mémoire, une entreprise. Honorer les anciens, reconnaître leur apport à notre bien-être du moment, réaliser que nous sommes les maillons d’une chaîne qui nous engage.

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Blog de Bernard ; traits d'humeur sur l'actualité