On savait depuis Lucchino Visconti que Venise n’était pas uniquement la ville des amoureux, et pouvait être aussi la ville nostalgique des amours contrariées. Laurence Vivares, pour son premier roman, exploite cette même veine avec « le vie a parfois un goût de ristretto ». L’histoire de Lucie, honteusement plaquée par son compagnon, qui se réfugie seule dans la ville de l’amour pour oublier son chagrin et exorciser une relation qui la possède encore.
Intimiste, ce livre l’est assurément. C’est surtout un exercice délicat où une femme s’abandonne à l’influence de Venise, tout en luttant contre un passé proche qui lui fait mal. Un roman très léger où il ne se passe pas grand chose, sinon le cheminement psychologique de l’héroïne. Une femme dynamique dont la boussole professionnelle est orientée vers le succès et la maîtrise de soi, mais qui est totalement perdue sur la carte du tendre. Elle s’investit dans sa vie amoureuse, mais n’est pas payée en retour. Avec le sentiment d’être sous dépendance du mâle dans ce qu’il a de plus égocentrique.
C’est cette crise psychologique qui offre le côté le plus intéressant du roman. Laurence Vivares décortique le spleen post-amoureux avec un vrai talent. On rentre dans la tête de cette femme, ses rêves, ses pensées de petite fille, son histoire, ses rapports à soi, à son corps et à ses proches. Sous une constellation de détails intimes, on comprend mieux les moteurs de cette femme.
Ce livre est un livre de femme qui parle d’abord aux femmes. C’est de l’intimité pure et un bon reflet de l’approche amoureuse sous l’angle féminin. Le lecteur masculin y trouve aussi son compte pour ( essayer de ) comprendre un peu mieux les mystères de l’autre sexe. Par exemple, l’ambivalence de l’héroïne qui se crispe quand son Angelo, vénitien rencontré par hasard, s’approche de trop près, et qui dans le vaporetto de retour, regrette qu’il ne soit pas allé plus loin.
Le choix de Venise est judicieux par l’effet de contraste entre les souvenirs heureux et le présent solitaire. Mais l’exploitation de Venise n’est pas parfaite. La carte postale de la cite lacustre est trop classique. Dans le même temps, le personnage d’Angelo est plus le fruit d’un rêve de jeune fille que de l’Italien dragueur et expansif qui nous vient naturellement à l’esprit. A nouveau, un certain goût des contrastes…
Pour un premier roman, ce sont toutefois des défauts mineurs. Et l’on comprend que Venise soit un sujet d’émerveillement qu’on ait envie de partager.
Au final, cette lecture fut une jolie découverte. Un roman intimiste et précieux qui enrobe joliment les états d’âme au féminin.