J’aime le cinéma qui prend des risques… Sortir un roman des années 20 de son anonymat (malgré le prix Goncourt qu’il a obtenu ) et raconter à sa suite une histoire totalement rurale des années de guerre14-18, on ne peut pas dire que Xavier Beauvois joue la facilité. Est-ce si étonnant de l’auteur des « Hommes et des dieux » ? Le pedigree de l’auteur et le sujet peu consensuel ont, en tout cas, suscité ma curiosité.
Ce film est très étonnant. Il est peu bavard, et l’action se traîne à un point qui peut relever d’un quelconque record du livre Guiness. La vie laborieuse, monotone et sans éclat des paysannes suppléant leurs hommes au front pendant les années de guerre remplit l’écran avec une sobriété qui confine à l’ascétisme.
Au-delà du caractère documentaire de la fauche des blés en bas Limousin au début du siècle dernier, l’objet du film ne saute pas aux yeux. Heureusement la jeune actrice Iris Bry, par sa présence subtile, finit par capter l’attention. On s’habitue à ce rythme lent, souvent jugé horripilant par nos contemporains, pour rentrer dans l’esprit de l’époque : la quête de survie, l’attente de rien, le fatalisme ponctué de révoltes vite comprimées, la joie des petits bonheurs simples…
A défaut d’éveiller les foules, Xavier Beauvois rend un bel hommage à toutes ces femmes qui se sont tuées à la tâche pour remplacer leurs hommes absents. Il apporte ce témoignage précieux au débat actuel sur l’égalité homme-femme pour montrer que depuis longtemps, les femmes ont su s’affirmer, quand les circonstances l’exigeaient. La scène où le poilu rentré du front, s’étonne devant le tracteur et la moissonneuse dont sa femme a su s’équiper pour réduire son labeur, est peut-être le message que Beauvois voulait faire passer par ce film. Faisons confiance aux femmes pour changer le monde. C’est une belle morale qui justifie bien les quelques bâillements fugaces que le cinéphile indulgent que je suis, n’a pas pu réfréner lors de ce film un peu long. Mais l’image était tellement belle, et le spectacle de cette France rurale tellement proche d’un tableau de Millet que la poésie était au rendez-vous.