La France n’aime pas les échecs. En général, on préfère les cacher sous le tapis, les dissimuler comme une maladie honteuse. Le monde professionnel aime les succès aux trajectoires simples. Orientées exclusivement vers le Nord-Est. Tout cela est très différent de la vision de Winston Churchill, selon lequel le succès c’est « aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme ». Alors, quand un entrepreneur français prend la plume pour parler de la faillite de sa boite, on ne peut que le féliciter. Voilà un homme qui joue la transparence, qui assume et qui veut tirer des enseignements d’une expérience douloureuse. Un exercice de corde raide, qui se révèle, au final, absolument passionnant…
Le monde de l’entreprise est souvent mal-connu. Celui des chefs d’entreprises est souvent l’objet de raccourcis réducteurs. L’image du patron fumant un gros cigare chez Plantu n’est pas loin. Il est donc précieux de voir que gérer une entreprise est d’abord une aventure collective et humaine. Celle d’un homme qui consacre toute son énergie à un projet. Celle d’une famille qui le soutient, de collaborateurs qui l’entourent, de salariés qui s’impliquent… Tout peut fonctionner à merveille, au plus grand bénéfice de tous. Jusqu’à ce qu’un gros grain de sable vienne gripper la machine, en l’occurrence la faillite de la Banque Lehmann en 2008 qui a entraîné une forte dépression internationale qui n’a épargné personne. Surtout dans le domaine du recrutement où oeuvrait Solic. Les salariés étant traditionnellement une variable d’ajustement, en cas de crise, les recrutements sont stoppés net. Ce fut le drame de Solic et de son sympathique dirigeant Nicolas Doucerain.
Nicolas Doucerain ne m’est pas inconnu. Je l’ai rencontré en 2015 après la faillite de Solic. Nous avons milité au sein du même mouvement politique, « Nous Citoyens », mouvement sans étiquette, créé en 2014 qui visait à faire bouger la France, alors que les politiques en place, droite comme gauche, préféraient éluder les problèmes. Ce fut une période intense, où nous avons combattu côte à côte pour essayer de faire quelque chose pour notre pays. Malgré les difficultés, Nicolas qui a été élu à la tête du parti en janvier 2016 avec un score respectable de 59%, s’est révélé un leader de premier ordre, sachant décapsuler les tensions inévitables dans un mouvement citoyen où tout un chacun s’appuyait sur l’authenticité d’un engagement prétendument désintéressé pour essayer d’imposer sa vision du monde. Un exercice difficile qui s’est hélas mal terminé. Nous Citoyens qui a refusé, de peu, par un vote interne de se ranger derrière En Marche, s’est finalement trouvé vampirisé par cet autre parti aux ambitions plus prosaïques dont on connaît le destin.
Comment vit-on après deux échecs, un personnel et un collectif ? Beaucoup seraient tombés pour moins que cela. Le récit de Nicolas se lit comme un roman. Il raconte son combat pour sauver son entreprise. Un combat incessant où il ne maitrisait pas toutes les cartes. C’est touchant, poignant, incroyablement fort. A lire par tous ceux qui ne voient chez un patron que la seule version de Plantu. Le sacrifice familial réalisé pour sauver des emplois est parfaitement rendu. Qu’est ce que ce garçon a fait endurer à sa famille…
La parenthèse politique est aussi développée avec justesse et retenue. J’ai été en première ligne, en l’occurrence, et peux attester que Nicolas a été un artisan du juste milieu, du consensus, de la fidélité par rapport à la pureté de la démarche initiale chez des militants-citoyens qui se voulaient avant tout force de proposition.
Le livre raconte tout cela. Un vrai roman où l’échec est au coeur… Mais un échec stimulant et régénérateur. Un échec qui confère expériences et une bonne dose de sagesse. D’ailleurs, Valumen, la nouvelle société de Nicolas s’annonce comme un vrai succès. Je ne doute pas que la réussite sera au rendez-vous. Si bien que lorsqu’on l’interrogera plus tard sur les raisons de son succès, il lui suffira de dire : « Lisez mon bouquin ». Tout y est déjà… Avec une humanité confondante.