J’ai découvert ce livre par hasard. Le résultat d’une rencontre à la journée du Livre de Talloires avec Antoine de Meaux. Un jeune écrivain qui a écrit un roman sur un siècle qui n’est pas le sien, c’est toujours intrigant. En plus, « le Fleuve Guillotine » parle des années sombres de la Révolution française, avec ces deux années charnières que furent 1792 et 1793. J’ai acheté le livre par curiosité…
Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le principal personnage du livre est la ville de Lyon, ma bonne ville natale qui connut à l’été 1793 des événements tragiques avec le siège de la ville pendant pendant neuf semaines par les troupes jacobines de la Convention. La ville avait eu le grand tort de s’élever contre les excès de la Révolution et de faire tomber le parti Jacobin. Au même moment, Paris avait fait l’inverse en chassant les Girondins pour instaurer un règne sans partage des Montagnards. Les Lyonnais avaient commis un crime en s’opposant à l’autorité de la capitale. On allait le leur faire payer très chèrement.
« Le Fleuve Guillotine » raconte en trois tableaux ces événements : d’abord la chute des Tuileries à Paris le 10 Août 1792 ; la révolte lyonnaise d’avril 1793 et ses tentatives de gagner à sa cause les départements voisins ; le siège et la chute de Lyon le 9 Octobre 1793.
Pour rendre compte de ces événements, Antoine de Meaux a choisi la forme romanesque avec le récit coloré d’une large famille dont les membres vont se trouver des deux côtés du conflit. Il réussit à nous emporter dans notre Histoire avec brio, en nous proposant des destins brisés par un événement qui emporte tout sur son passage.
La restitution de l’époque est assez étonnante. Dans un style et un vocabulaire très imagés, l’auteur arrive à nous faire entrer dans la peau de ses acteurs qui vont vivre une rupture de leur environnement jamais égalée. Le monde s’écroule sous leurs pieds, mais chacun va faire bonne figure pour affronter ces événements qui les dépassent. Tout le livre est une série d’esquisses avec des personnages plus vrais que nature. On se demande d’ailleurs comment l’auteur a pu, à ce point, rentrer dans la psychologie d’un homme du XVIIIème siècle. C’est la plus grande réussite de ce livre…
Surtout ce livre trouve une belle résonance chez moi car les événements qu’il raconte, sont étroitement liés à mes racines familiales. Tous les Mouterde en France descendent d’un homme, Jean-Marie Mouterde, qui était à la tête d’un bataillon de quartier de la rue Thomassin, et qui, à ce titre, a combattu dans le camp Lyonnais jusqu’à la fin. Après la prise de la ville, il fut guillotiné le 26 décembre 1793 sur la Place des Terreaux.
« Le Fleuve Guillotine » mérite vraiment le détour pour découvrir une page méconnue de notre Histoire. Une guerre civile entre Républicains, puisque les Lyonnais se considéraient comme des enfants de la Révolution tout autant que leurs adversaires. L’occasion de découvrir que notre Révolution – de nos jours, très populaire – fut d’une grande sauvagerie. L’esprit de l’époque ne supportait aucune opposition; l’assurance de détenir la vérité était le plus grand liberticide.
Rappelons-nous que les révolutions ne sont pas des long fleuves tranquilles, mais plutôt des fleuves guillotine… A méditer par tous les adorateurs des solutions extrêmes…