Le monde de la gestion financière est anglo-saxon. C’est en effet en Grande Bretagne et aux Etats Unis qu’est née dans les années 60-70 une nouvelle forme de religion qui a maintenant dans le monde entier, ses adorateurs et ses prosélytes : la gestion d’actions « Value »…
Il y a eu d’abord le rédacteur du « Nouveau Testament », Benjamin Graham, un économiste anglais qui a posé les bases académiques du stock-picking, autrement dit de « l’art » de bien savoir choisir une action pour gagner de l’argent en bourse. Puis est apparu le prophète, Warren Buffett, un américain plein de bon sens qui a inscrit en lettres d’or les règles pour gagner en bourse. Des règles qu’il s’est appliqué à lui-même car il est aujourd’hui la troisième fortune américaine. Aujourd’hui, le vieux Warren ( surnommé « le Sage d’Omaha » ) est un Dieu, copié, imité et revendiqué par tous dans la profession de la gestion, y compris par ceux qui ne pratiquent pas son concept de gestion « value ».
Mais, n’en déplaise aux très arrogants gérants US, le premier apôtre est français : Jean Marie Eveillard ( 76 ans ), gérant pendant 25 ans du fonds SocGen International Sicav, devenu depuis First Eagle Amundi International. Un fonds qui a connu depuis 1979 un parcours impressionnant avec un rendement annuel de +15,8%.
Nul n’est prophète en son pays. Surtout dans notre France souvent fâchée avec son économie. Mais comment les Français si attachés à l’immobilier ou à leur assurance-vie ont-ils pu passer à côté de ce Mozart des finances privées ?
Dans un livre récemment sorti ( « En Bourse, investissez dans la valeur » Editions Valor ), Jean-Marie Eveillard nous raconte, dans des mots très simples, sa vie, ses succès et ses échecs. Il raconte comment il a cru, très jeune, à la stratégie « value » de Graham et Buffett, et comment il a développé une offre en France, dans l’indifférence générale de son propre actionnaire, la Société Générale.
Ce livre est passionnant, surtout du fait de la simplicité de l’homme. Un homme qui explique que sa religion catholique l’a forgé dans l’idée que la vie serait « une vallée de larmes ». Par conséquent, il a su trouver la force spirituelle et psychologique pour s’éloigner des indices, et parfois sous-performer de manière longue, notamment dans les années internet où son fonds n’a pas participé à la folie des valeurs internet et a connu des années difficiles ( fonte des actifs des deux tiers de 1997 à 1999 !!! ).
Comme Jean Marie le souligne avec malice, si tous les gérants dans le monde se réclament de Warren Buffett, ils ne sont que 5% au plus à pratiquer la « gestion value », celle qui se révèle la plus performante sur le long terme.
J’ai toujours eu une affection particulière pour Jean-Marie qui a comme moi commencé sa carrière à la Société Générale. J’ai eu occasionnellement son fonds en portefeuille ( et regrette de les avoir cédés ), mais j’ai toujours suivi son fonds, participant avec fidélité à toutes ses présentations parisiennes.
La partie la plus intéressante de son livre est l’analyse pleine d’acuité qu’il apporte à notre époque. Il continue à exercer un rôle de conseil auprès de ses successeurs et regarde la situation avec un sens critique affûté.
Cela l’amène à exprimer sa seule grosse différence avec le Dieu Warren. Contrairement au « Sage d’Omaha », Jean-Marie croit en l’or pour protéger l’épargne de ses clients contre les folies des banques centrales. Il faut lire le chapitre 5 sur l’Or, où il prend ses distances avec une conviction entraînante. Le fonds First Eagle a ainsi près de 10% du portefeuille investi dans l’or, les mines et les dérivés aurifères.
Voilà un homme à qui on a envie de confier son argent les yeux fermés.