La Berézina d’une nation…

Quelle claque !… Alors que la guerre en Ukraine sombre dans l’oubli et que des trolls pro-russes sont arrivés à nous désintéresser du sort des pauvres Ukrainiens, c’est le moment que choisit Olivier Norek pour raconter une autre guerre, la guerre russo-finlandaise qui s’est déroulée entre novembre 1939 et mars 1940. Un prélude à la seconde guerre mondiale dont on ne savait pas grand chose, sinon que les Finlandais y avaient fait bonne figure.

C’est justice de ressortir ce conflit des boites de l’Histoire, car c’est sans doute la guerre la plus cruelle qui n’ait jamais existé. La lutte inégale entre la petite Finlande et la grande URSS par des températures « à ne pas mettre un ours blanc dehors ». Un froid de gueux , qui était courant dans ces années-là et qui, dans les deux camps, a dédoublé l’ennemi. Le froid pouvait vous endormir en quelques minutes et le contact du métal des fusils pouvait arracher la peau.

Olivier Norek, auteur de polars, a été pris d’une admiration éperdue pour le meilleur sniper finlandais Simo Häyhä; il est sorti de sa zone de confort pour raconter sa guerre, après un gros travail de recherche sur place. Bonne pioche ! A partir du moment où le lecteur accepte de se plonger dans une guerre avec ses aspects les plus glauques , il se laisse totalement emporter par une tension qui dépasse l’entendement. Comment ces hommes, Finlandais comme Russes ont-ils pu accepter cela ?

Le héros Finlandais qui émerge, est un homme simple qui ne veut que défendre sa patrie. Il a un talent incroyable pour tirer à longue distance et va se faire, avec humilité, le plus grand palmarès de l’histoire. Quelle souffrance toutefois ! L’adversaire russe était si nombreux que les hommes étaient remplacés au pied levé. Des Russes dont on prend pitié également, car ils étaient pris en sandwich entre des Finlandais mieux équipés et des commissaires-politiques qui n’avaient aucun respect pour la vie humaine. Les massacres sont saisissants, en particulier lorsque les Russes en échec s’avisent de traverser à pied le Golfe de Finlande sous le feu d’un ennemi qui n’avait qu’à casser la glace. Des passages du livre sont lunaires… La Berézina puissance 10….

La dictature de Staline se fait contre ses soldats. C’est tellement cruel qu’on ne peut s’empêcher de penser que le communisme est le pire des tourments qu’a subi l’humanité. Ce livre est de ce point de vue une bonne mise à jour pour des jeunes lecteurs ( le livre a reçu le Prix Renaudot des Lycéens 2024 ) qui ont parfois oublié les leçons de l’Histoire.

Au final, ce livre est formidable, car il rappelle des vérités passées sous silence, notamment après le succès soviétique en 1945. Il lui manque peut-être le souffle de l’écrivain Norek qui sait habituellement broder une histoire. Mais cette Histoire avec un grand H est tellement forte, tellement incroyable, que le lecteur est tout de suite très impliqué. Il ressent, à la lecture, un mal-être insidieux devant la souffrance d’une nation agressée, il souffre dans sa chair comme ces combattants sans avenir immédiat autre que celui d »être déchiquetés par une balle ou par le froid. Il ressent une admiration sans faille pour ces hommes vaillants qui se sont sacrifiés pour leur pays. A l’heure où le patriotisme est une valeur en chute, c’est touchant de revivre ces moments.

Oui, assurément, la Finlande est une grande nation….