« Ce qui nous lie », le dernier Klapisch, est un film intimiste sur la transmission. Un film qui parle donc aux spectateurs car chacun y trouve nécessairement des résonances avec son histoire personnelle. Amour, éducation, caractère, patrimoine, héritage, tradition, voilà ce que nous donnent nos parents. Dans le cas de Jean, Juliette et Jeremy, il y a aussi une superbe exploitation viticole en Bourgogne, un cadeau des dieux qui plonge le spectateur dans une vie de labeur, au rythme des saisons.
Klapisch aime le vin; cela se sent. Son film est extrêmement sensuel, il joue de nos sens, en particulier au début quand les frères et soeur goûtent les raisins et jouent de leur pulpe pour apprécier leur maturité. La scène où le frère et la soeur foulent au pied les grappes dans des grandes cuves débordent aussi de vie. On sent presque les effluves des raisins en fermentation. Le vin, c’est la vie, nous dit Klapisch, qui exulte visiblement à montrer des scènes de liesse à la fin des vendanges. Il se dégage du film une intense chaleur, magnifiée par l’interprétation parfaite des deux garçons, le déraciné Pio Marmai et le lunaire François Civil, mais aussi par la subtilité d’une Ana Girardot, très touchante dans son indécision et son humanité toujours affleurante.
Les flash-back s’accumulent, mais toujours à bon escient. Ils sont pour ainsi dire naturels, quand trois enfants se retrouvent, après le décès du père. Les souvenirs refont surface. L’occasion aussi de réaliser que le présent ne colle pas aux rêves passés de l’enfance. C’est classique, basique peut-être, mais diablement efficace. On se reconnaît bien là dans l’introspection suscitée par un deuil. Et la notion d’héritage se révèle pour ce qu’elle est, à savoir pas uniquement une question d’argent.
Ce film m’a plu car il est enraciné dans la terre. Une terre qui possède, avant d’être possédée. Alors, certes, il y a quelques petites faiblesses dans le scénario, notamment dans le personnage joué par l’aîné, Pio Marmai. Ses hésitations conjugales sont peu crédibles. Mais qu’importe ! L’important est qu’on croit à cette fratrie, qu’on aimerait être avec eux, faire les vendanges en leur compagnie et élever la vigne avec la même passion. Le caractère documentaire du film ne nuit point, quand il s’agit de suivre la frêle silhouette d’Ana Girardot à la tête de ses vignes. Elle donne à elle seule une densité physique à cette histoire. Bravo Cedric, ce film de Bourgogne est différent du film du Bordelais « Tu seras mon fils », mais il magnifie aussi bien le monde du vin.
Tiens, cela me donne envie de boire un verre de rouge….