
Un livre référence sur un phénomène de société : les sites de rencontre. Arnaud Poissonnier que j’ai été amené à rencontrer dans ma vie professionnelle, m’a donné envie de lire son livre « Boites de conserve » sur un sujet majeur : comment rencontrer l’amour ? Les nouveaux outils digitaux facilitent-ils la chose ? Pourquoi les sites de rencontres suscitent beaucoup de défiance ?…
Nous voici embarqués dans le quotidien des célibataires en quête de l’âme soeur et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas un voyage tranquille. Face à l’idée simple d’avoir un ( grand ) choix grâce à la technologie, l’usage n’est pas simple et provoque des déviances. Arnaud les explore dans le détail, en partant au départ de sa déception d’utilisateur n’ayant connu que des déconvenues. Très vite, le livre devient une attaque en règle contre les sites qui jouent un jeu malsain, entre l’intérêt économique de garder des clients et l’objectif annoncé de « placer » ses clients et donc de les perdre. L’auteur a bien approfondi son sujet, et ses commentaires sont pleins de sel. Les nombreux témoignages apportent du vécu, et viennent compléter habilement la démonstration. On s’amuse ou on s’effraie devant cette condition humaine se débattant dans son bocal. Les déviances sur l’addiction que cela provoque, ou sur le manque de self-estime que les nombreux rejets occasionnent, sont instructives et attristantes. Ce « jeu » laisse beaucoup de personnes sur le carreau, notamment ( mais pas uniquement ) des femmes qui poursuivent souvent des objectifs plus long terme que des hommes en situation de chasse et de conquêtes d’un soir. Et puis, la malveillance, la mauvaise éducation, la violence parfois s’ajoutent au débat, ce qui peut vite tourner au cauchemar. Comment en est-on arrivé là ?
Arnaud est très pertinent dans ses attaques, les sites étant si peu transparents. Il fait un formidable travail d’information et décortique les tenants et aboutissants de cette « industrie » sur un ton décapant et enlevé. On frissonne à quelques passages qui traduisent la bassesse de la condition humaine, et de certain(e)s de ses représentant(e)s. C’est assez déprimant, même si la lecture est hautement utile. Parfois, on se sent heureux de ne pas être dans la cible. On aurait aimé, quand même, pour balancer le discours, avoir quelques illustrations de rencontres réussies, pour montrer que tout n’est pas totalement noir. Après tout, de nombreux couples dans nos entourages sont issus de ces sites. « 5% » de taux de réussite, nous répond Arnaud tristement…
Au final, Arnaud ne se contente pas de critiquer. Il fait de nombreuses propositions pour améliorer les retours d’expérience. Il en appelle au pouvoirs publics pour réglementer une profession de cow-boys. C’est précieux et marqué du coin du bon sens. Le célibat subi qui a toujours existé, mais qui est plus mal vécu aujourd’hui, est, il est vrai, néfaste à l’harmonie de notre société et à son développement, et pas seulement sur le plan démographique. Il y a une oeuvre de salut public dans cette mission de se faire rencontrer les deux sexes.
Fort bien… Hélas, une fois de plus, on incite un Etat omnipotent à rentrer dans la vie privée des gens, et à réglementer davantage, dans un pays déjà corseté par son administration. Oui, mais c’est cette fois pour la bonne cause !… Sans doute… Mais ne serait-il pas plus efficace d’apprendre à l’école, dès le plus jeune âge, le respect de l’autre, la bienveillance, la volonté de ne pas blesser pour éviter ces comportements déviants qui font de la fréquentation de ces sites parfois un enfer ? La recherche amoureuse ne déroge pas de toutes les inter-relations sociales de la vie où nous pêchons par un égo démesuré, une vanité débordante et un besoin d’instaurer un rapport de force. Reprenons la formation de nos enfants. Ils seront plus équilibrés, devenus adultes, pour trouver l’âme soeur. Un veux pieux ? Oui probablement…. Alors dans un monde imparfait, mieux vaut avoir les yeux ouverts et lire « Boites de conserves ». Vous y apprendrez beaucoup sur nos congénères.