Michel Bussi est un orfèvre des histoires à tiroirs. Et « Rien ne t’efface » s’ajoute à la longue liste de ses polars envoûtants. Il est vrai que choisir le thème de la réincarnation et flirter avec le fantastique a un petit côté stimulant pour le lecteur. Surtout quand on ramène l’histoire dans un village d’Auvergne, terre à terre, rural et rationnel que nous connaissons a priori bien, même si les anciens volcans, les grottes troglodytes et les sorcières revendiquées donnent une touche d’exotisme au lieu. Le récit capte au début l’attention du lecteur comme un champ de pistil pour une colonie d’abeilles. Quand l’étrange prend des dimensions pachydermiques, le lecteur en est tout émoustillé. Il avance dans la lecture avec le caractère béat d’un nouveau-né, pour mieux se réveiller quelques pages suivantes en se disant que ce brigand de Bussi est allé, cette fois-ci, trop loin, et qu’il lui sera difficile de retomber sur ses pattes. D’ailleurs, c’est le propre de ce type de littérature que de susciter les plus grandes questions sur le « comment ça va se finir ». Nous savons déjà en ouvrant le livre que nous allons être ballotés jusqu’au dénouement final, comme une coquille de noix dans un océan en furies de tensions et de surprises en tout genre. Avec cette patte particulière de Bussi de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, en faisant adhérer le lecteur à des postulats marqués du coin de l’évidence, et qui se révèlent des hypothèses totalement fausses au cours du récit. Il y a une dose d’imposture dans la prose bussienne.
Mais cette escalade dans l’improbable et dans l’inattendu a une conséquence mécanique funeste. Il faut bien, à un moment, descendre l’autre versant, celui de l’explication rationnelle à des événements qui nous dépassent. Et cette descente est pour le moins ardue, moins fluide, très alambiquée… J’ai trouvé que dans ce roman, Bussi y perd un peu de sa magie, car les motivations du coupable sont vraiment tirées par les cheveux. Certes, l’idée de super-poser deux démarches comparables est habile et ajoute de l’épaisseur à l’intrigue, mais je suis resté désarçonné par le machiavélisme téléphoné de l’auteur des faits. La folie va loin, c’est vrai, mais elle s’accorde rarement avec la précision quasi millimétrée qu’exige l’enchaînement des événements…
Bref, si Bussi a perdu en crédibilité, il continue à nous surprendre. J’ai bien aimé la carte postale parfaite d’une Auvergne qui palpite avec un gros coeur, loin de la vie fade des villes. Un roman à succès, une nouvelle fois… Ce géographe de Bussi s’y entend pour déchiffrer la carte des circonvolutions du cerveau des « gens bizarres ». Un magicien, plus qu’un écrivain !!!