Bal tragique au Conseil Constitutionnel : un mort…

Le titre irrévérencieux du Canard Enchaîné lors du décès de De Gaulle m’a inspiré… La mort de Giscard est un événement qui va faire couler beaucoup d’encre dans un pays qui se complaît dans les commémorations en tout genre. Tout le monde va se fendre d’un billet, d’un souvenir, d’un hommage appuyé au grand homme. Comment rester étranger à l’exercice ? Comment ne pas exprimer son ressenti devant le bilan d’un homme qui a été, sept années durant, le premier d’entre nous ?

Pourtant, alors que je suis un homme de droite, l’événement me laisse froid. Giscard était mort, à mes yeux, depuis longtemps. Non pas en 1981, sa courte défaite était compréhensible après la crise issue du choc pétrolier. Mais plutôt après, quand il n’a rien entrepris pour fédérer les siens, et qu’il a fini par agacer tout le monde par son arrogance et son hauteur de vue qui ne le rendait guère accessible. Les médias nous racontent l’histoire d’un homme aimant les petites gens et qui a cassé le sacre de la communication politique quelque peu empesée de ses deux prédécesseurs. Un homme moderne qui parlait à tous. Ce n’est pas faux, mais comment juger l’homme d’hier, sans intégrer celui qu’il a été après ?

En fait, plus j’y réfléchis, plus je pense que j’ai aimé le Président, mais pas l’homme meurtri qu’il a été après. Pensez donc, se faire battre par l’homme que le Grand avait battu deux fois. C’était une claque. Surtout de voir les communistes avec leur leader préhistorique Georges Marchais arriver au pouvoir, alors même que de Gaulle, toujours lui, avait su parfaitement contenir la marée rouge en 1945. Giscard est tombé de son piédestal gaulliste, et il n’a jamais su se relever. La défaite l’a consumé…

Il est vrai qu’il n’aurait jamais du perdre. Il était meilleur… Son bilan était bon dans un contexte de crise. C’était un homme qui connaissait son affaire, l’économie, là où son successeur François Mitterrand ne connaissait rien de l’entreprise, et était un simple homme de lettres, par ailleurs excellent communicateur.

N’en déplaise aux médias, je trouve que Giscard a fermé le ban d’une certaine forme de pouvoir. Homme de Droite, il a fait évoluer la société dans un sens qui s’opposait aux convictions de son camp. Comme de Gaulle avant lui, il ne cherchait pas à plaire. Il gérait le pays au centre, s’entourant de gens compétents, à l’image de ce Raymond Barre qui est à mes yeux le meilleur premier ministre que la France ait connu. Sa façon de gouverner était différente. Guidée d’abord par l’efficacité, et non pas par le jeu de l’émotion, et de cette sollicitude sirupeuse qui est le vade-mecum des politiques d’aujourd’hui. Certes, l’histoire lui a collé quelques affaires aux fesses, mais beaucoup tiennent sans doute moins à lui qu’à un entourage gaulliste dur qui avait cédé dans les temps troublés de l’après-guerre au goût des coups fourrés. Quant aux diamants… Est-ce que la double vie de Mitterrand ne lui a pas rapporté mille fois plus par toute le cocon que l’état a offert à des illégitimes ?

Si j’éprouve un peu de regrets avec le départ du vieux crabe, c’est parce qu’il a été un bon président, qui dirigeait la France, toute la France et non pas la coterie de ses électeurs, comme l’ont fait tous ses successeurs. J’ai été Giscardien, après avoir, au premier tour, voté Michel Debré pour ce qui fut mon premier vote. L’aventure gaulliste était tellement belle, et si le petit ne valait pas le Grand, il en avait été le collaborateur très actif.

Je retiendrai de Giscard son engagement européen ( que je partage ) et son implication totale pour faire du tandem franco-allemand un moteur de l’Europe. Sa complicité avec Helmut Schmidt était belle à voir. Et bien sûr, ses choix de société forts en faveur des femmes. Un bilan qu’il a hélas un peu entaché par la suite, par son caractère cavaleur, courant après tous les jupons, jusque au seuil du très grand âge. Une vieillesse un peu pathétique.

Heureusement, Giscard a eu le bon goût d’attendre 24 heures, et de ne pas mourir un 2 décembre. Car, pour le coup, il n’aurait pas pu rentrer dans l’Histoire. Car le 2 décembre restera à jamais le Sacre de l’Empereur et la victoire d’Austerlitz. Des commémorations qui auront toujours plus de sens pour définir la France que le bilan d’un président qui n’a pas su se faire aimer au delà d’un seul mandat…