On ne présente plus cette pièce qui est un grand classique. Ils sont nombreux les acteurs qui ont cédé aux charmes de cette pièce de boulevard : le volubile Michel Roux, le Charlot Gerard Rinaldi et surtout, le génialissime Jean Poiret qui a marqué les esprits dans le rôle d’Hugh Preston.
Un rôle, il est vrai, particulièrement jouissif d’homme à femmes, qui découvre que sa femme le trompe, s’apprête à le quitter avec son amant, et qui par un subtil stratagème, va entreprendre de la reconquérir. Cela passe par l’organisation d’un week-end improvisé dans le cottage londonien du couple, avec l’amant comme invité, mais aussi la très émoustillante secrétaire d’Hugh, sans parler de la cuisinière qui se bat avec un canard récalcitrant. Plat qui dans la version française donne le titre à la pièce, alors que la version originale anglaise est plus plate avec « The Secretary Bird ». Les Français sont toujours motivés par l’appel de la cuisine !…
Rappelons que cette pièce a été écrite par un anglais de l’upper-society, William Douglas Home. Un homme dont sa page Wikipedia met davantage en avant ses opinions durant la guerre que ses oeuvres littéraires. L’homme s’est, en effet, opposé à Churchill et au commandement militaire anglais quand la ville du Havre a été bombardée à la fin de la guerre, sans évacuation des civils. Par un juste retour des choses, cet homme qui a pris fait et cause pour la population française pendant la guerre et s’est, de ce fait, marginalisé dans son pays, trouve un plus grand succès en France qu’en Angleterre. Il y a quand même une justice !…
La dernière recette du canard, sous l’impulsion de l’acteur-chef Nicolas Briançon est un vrai délice qui mérite une visite, toutes affaires cessantes. La pièce est déjà un bijou d’humour britannique, avec des réparties qui suscitent l’hilarité la plus folle. Mais quand, en plus, le casting est parfait et que l’interprétation tutoie les sommets, la soirée promet d’être exceptionnelle.
Nicolas Briançon joue le rôle d’Hugh avec délectation. La manipulation et le cynisme du personnage sont magnifiquement rendus. Face à lui, l’épouse Liz, très bien assumée par la charmante Anne Charrier, tente de résister, mais tombe à pieds joints dans le piège qui lui est tendu. Mais ce sont surtout les deux autres personnages qui ajoutent à la pièce le sel et le poivre pour rendre le moment totalement jubilatoire. L’amant, joué par François Vincentelli, est un belge irrésistible, benêt, inculte et naïf qui se laisse manger tout crû par son rival. Quant à la délicieuse Patricia Forsyth, la secrétaire, elle est une boule de sensualité qui jette de l’essence sur le feu des passions humaines. Alice Dufour est quasi hypnotique dans le rôle.
Un grand moment de théâtre pour rire à une histoire intemporelle qui n’a pas fini de séduire des générations d’adorateurs du Canard…