Les films d’époque en costumes, ce n’est pas un gage de succès, mais cela requiert une condition quasi indispensable : une langue châtiée et littéraire. « Mademoiselle de Joncquières », libre interprétation d’un récit de Diderot, est de ce point de vue une réussite totale. Quand vous mettez en plus ces paroles suaves dans la bouche de l’acteur du moment sachant le mieux leur rendre justice ( l’ineffable Edouard Baer ), vous avez là de quoi provoquer des oh ! et des ah ! chez tous les spectateurs blasés.
Ajoutez une Cecile de France au visage expressif suintant toute la palette des émotions humaines, et quelques seconds rôles bien trouvés. Tout est là pour faire un film pétillant d’intelligence qui rivalise – c’est le plus beau des compliments – avec la violence des sentiments de Choderlos de Laclos et de ses « Liaisons dangereuses ».
Le spectateur se laisse charmer par ce marivaudage à l’ancienne. Il vibre avec les personnages. Avant d’éclater de rire pendant la scène du repas de bigotes où le tandem Baer de France est irrésistible.Le piège que pose cette femme à l’homme qui l’a quittée est proprement machiavélique. C’est en même temps une rupture qui fait mal; franchir le rubicond pour confondre les méchants insensibles est un aller simple qui ne laisse pas indemne. L’amour laisse des cicatrices à jamais, et la vengeance n’agit pas comme un baume. Heureusement l’amitié subsiste en réconfort comme le laisse à entendre la dernière scène.
Personnellement j’ai pris ce film comme un coup de poing dans le ventre. C’est du cinéma exigeant comme on l’aime. Un cinéma, qui plus est, qui fait aimer notre langue. Ce qui met en joie. Tout simplement…