Un film sur l’identité sexuelle et la difficulté d’être homme quand on se sent femme. Voilà un sujet un peu racoleur et très politiquement correct. Au vu de la réalisation conventionnelle, très soignée dans l’image, à la limite du maniérisme, on pouvait craindre un film sans âme, si ce n’est de soutenir lourdement la cause transexuelle. Mais rien de tout cela… Le film est d’abord l’histoire d’un couple heureux qui, à la suite d’un simple jeu de déguisement, va voir l’homme dériver lentement vers une négation de soi pour s’accrocher au rêve de devenir un autre. Ou une autre devrait-on dire. Cette évolution est d’autant plus crédible que l’acteur, Eddie Redmayne est absolument parfait, avec un jeu fiévreux, éclatant, une ambiguïté troublante dans ses habits d’homme et un charme fou dans ses voiles de femme. Même le spectateur se laisse prendre à ce jeu d’ombres et de miroirs. C’est bien sûr un drame pour la femme qui voit son mari lui échapper pour devenir, au fil du temps, une bonne copine. La ficelle est un peu grosse, me direz-vous. Peut-être, mais l’émotion est au rendez-vous car le film a le bon goût de se situer au milieu des années 20 à une époque où ce genre de dérive conduisait tout droit à l’hôpital psychiatrique. Mais aussi et surtout, l’acteur Eddie Redmayne traduit bien dans son visage et dans ses yeux, le plaisir infini qu’il prend au contact d’une pièce de dentelle; puis plus tard, la détresse sauvage qu’il ressent au spectacle de la douleur qu’il cause à sa femme. C’est un film qui vous touche car la négation de sa propre sexualité y apparaît pour ce qu’elle est, à savoir une des pires épreuves d’une vie d’homme. On peut, certes, reprocher au parcours de cette fille danoise d’être un peu trop lisse. Le film n’en reste pas moins un beau moment de cinéma.