Premier roman plein d’élan

C’est toujours un exercice fascinant de voir un ami se lancer dans l’aventure d’écrire un livre. Au delà de la personnalité que l’on connaît, on y découvre une autre facette de lui, plus artistique, plus sensible. L’ouverture sur le monde de l’imaginaire déplace les frontières. Les mots qui s’articulent dans un long et sinueux cortège plein de sens, retracent au pointillé les traits de celui qu’on croyait bien connaître. L’image bouge; l’esprit se dévoile; les idées fausses sautent joyeusement de leur coquille…Un homme ne se limite jamais à l’idée qu’on s’en fait.

Fort de cette belle perspective, je me suis attelé à lire « la Mémoire en héritage ». Pour son premier roman, Florent de Cournuaud s’est attaqué à un sujet précieux au quinquagénaire que je suis : la transmission, le passage du relais générationnel, pour perpétuer un souvenir, une mémoire, une entreprise. Honorer les anciens, reconnaître leur apport à notre bien-être du moment, réaliser que nous sommes les maillons d’une chaîne qui nous engage.

Quoi de mieux qu’un écrivain public pour remplir ce devoir ? Ces adeptes de l’écrit qui proposent leur talent pour mettre en musique les péripéties d’une vie. Arnaud Wallez est cet homme qui écrit les mémoires des autres. C’est lui qui va être le lien entre plusieurs histoires qui s’enchevêtrent. La mémoire comme ciment d’une narration multiple…

Le récit est profond, avec une débauche de mots et de bons sentiments. Les mémoires de guerre d’un vieux breton forment la trame historique et l’ossature même du roman. Une histoire vraie, inspirée par une rencontre fortuite de l’auteur avec un vieux monsieur. Deux autres histoires, également liées entre elles, se greffent à ce premier récit pour constituer un bon moment de lecture. L’auteur raconte ses histoires avec des mots précis, un style enlevé et en même temps très sage. La naissance des sentiments entre Arnaud et sa belle Marie sonne très juste. Tout est au diapason d’une sensibilité exacerbée…

Au final, ce roman procure du plaisir simple, comme tout ce qui relève de la sincérité des sentiments. Les récits de guerre ont eu ma préférence par rapport à l’histoire contemporaine, même si Florent excelle à montrer les manipulations du monde du business qu’il connaît bien. Il est vrai que les faits d’armes de notre époque sont moins valorisants que sa propre mise en danger lors d’actes de résistance face à l’occupation allemande. Mais ces doubles combats, aussi décalés soient-ils, visent une même cause : faire triompher le camp de la légitimité par rapport aux corsaires qui usent d’artifices pour parvenir à leurs fins. A la violence allemande des troupes d’occupation répond la perfidie des nouveaux envahisseurs du monde des affaires.

Un roman qui s’offre comme un bouquet multicolore de bons sentiments, le tout dans une très belle langue bien maîtrisée. Un vrai succès pour une première fois…