Blanche, perdrix dénaturée

Cette fille a marqué de sa causticité tous les médias. Elle est unique sur scène, et pratique un humour décapant. J’en suis fan sur « Rires et Chansons ». Mais en dehors de ce canal, j’avoue que je ne la connaissais guère. Jusqu’à ce que Canal + me permette par son option « vidéo à la demande » de voir son dernier spectacle « Bonne Nuit Blanche ». Je suis resté totalement scotché !…

Comment fait-elle ? Blanche Gardin nous raconte sa vie durant 80 minutes de manière détachée, comme un récit au café du comptoir. Spontanéité ou écriture très travaillée ? Difficile de trancher… Il n’en reste pas moins qu’elle capte son auditoire dès la première seconde pour ne pas le lâcher jusqu’à la fin. Un show de très grande classe.

Le spectateur est happé et passe par toutes les étapes de l’assujettissement. Le rire est là bien sûr, sous-terrain, prêt à soudre comme une fontaine, mais il reste sous-jacent, comme pour ne pas interrompre le long fleuve d’une logorrhée inépuisable. Blanche Gardin est la seule humoriste qui ne cherche pas le graal d’une salle hilare. Elle est là pour débiter son récit, froidement, posément, subtilement, avec une dose d’humanité qui la rend profondément audible. Telle une Cyrano de Bergerac de foire, elle ferraille et touche. Elle touche plus d’une fois.

J’ai adoré quelques passages stigmatisant la vanité des échanges sociaux et des débats sur Twitter où l’on est dans la réaction plus que dans la réflexion. Elle dégomme les faiblesses et les excès de notre société avec talent. Elle dit cela par des petites phrases assassines où percent une froide objectivité. Emballé, c’est pesé !…

Blanche Gardin est délicieuse. C’est une femme toute en nuances. La nuance est ce trait de personnalité qui manque le plus à notre époque qui assène ses opinions avec violence. On ne fait plus de place à l’exception, à la réserve, à la prudence. Tout est aujourd’hui axé sur l’affirmation de soi. Sauf quand un petit bout de femme qui pratique l’auto-dérision avec aisance nous renvoie le miroir de nos bêtises. C’est bon de se faire ainsi flageller.

Ce spectacle est à voir assurément. Moins pour rire que pour susciter la réflexion sur le monde que nous construisons. Sommes-nous dans la bonne voie ? Notre société est-elle condamnée à évoluer vers un spectacle permanent où tout un chacun se met en scène ? Pourquoi tant de superficialité ? En tout cas, j’aime les spectacles où l’on part pour rire, et où l’on sort avec un peu plus de sagesse. Merci l’artiste….