Feydeau au zénith

La Comédie Française est tellement courue qu’il faut s’y prendre plusieurs mois à l’avance pour réserver des places. C’est la scène des initiés, des habitués et des parisiens maîtres de leur temps. Heureusement, pour ceux qui sont plus bohèmes dans leurs sorties, la Comédie Française a négocié avec les cinémas Pathe-Gaumont une projection exceptionnelle pour profiter d’une pièce, confortablement installés dans des fauteuils de cinéma. Et quand il s’agit du chef d’oeuvre de Feydeau, « la Puce à l’oreille », cette séance de rattrapage est absolument royale…

Feydeau est un des rares auteurs dont je conserve toute la bibliographie dans ma bibliothèque. Toutes les pièces de ce prince du boulevard à portée de main. C’était, il est vrai, l’auteur préféré de mon père. Je me souviens toujours de ses éclats de rire durant les séances « Au Théâtre ce soir » à la télévision. J’étais enfant, trop jeune pour rester devant le poste, et je pestais de ne pouvoir être de la fête. De ces années, j’ai retenu que Feydeau était synonyme de rire.

La Comédie Française connaît assurément son répertoire. Quand elle met une pièce de boulevard au programme, c’est pour la mettre à sa sauce, lui apporter une touche contemporaine, tout en restant totalement fidèle à l’esprit de la pièce. Au vu de cette formidable puce, l’objectif est totalement atteint.

L’idée de transposer l’action dans les années 60, dans un paysage de neige où parfois passent en arrière-plan des skieurs de fonds en bonnets, est géniale par son caractère décalé. A côté de cela, le sens du rythme trouvé par la mettrice en scène fait de la pièce un tourbillon de plaisir. Ca sautille, ça frétille, ça occupe la scène comme un ballet, avec toujours cette mécanique de précision de la comédie qui fait de cette pièce un pur plaisir de scène.

Le jeu des acteurs est au diapason, en particulier celui des deux femmes qui minaudent avec un léger sur-jeu plus enchanteur qu’irritant. Quant à Serge Bagdassarian, il joue les rôles des deux clones avec beaucoup de finesse. On apprend d’ailleurs dans la présentation d’avant-pièce – privilège du cinéma –  qu’il a un truc pour rentrer dans ses deux personnages : chacun de ses deux habits de scène porte une flagrance suggestive qui le fait immédiatement entrer dans l’intimité du rôle. Utile pour les jeux de porte dont Feydeau est un orfèvre.

Merci à Gaumont-Pathé ; sans eux, je serais passé à côté de cette sublime représentation.

Une réflexion sur « Feydeau au zénith »

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