Voyage au Royaume des bulles…

Ce sont deux Princes. Deux seigneurs magnifiques qui n’ont d’autres ambitions que de vous chatouiller les papilles. Ils revendiquent tous deux, dans l’univers du champagne, le titre de primus inter pares : l’un par sa référence au moine des origines, l’autre par sa condition reconnue de plus ancienne maison de champagne.

Plutôt que de s’épuiser dans une lutte stérile, ils ont préféré se ranger sous la bannière de Moet & Chandon, la marque qui a su faire du champagne la boisson de tous les succès. Celle dont Napoleon aimait à dire : « je ne peux vivre sans champagne; en cas de victoire, je le mérite; en cas de défaite, j’en ai besoin »…

Quand deux amis très chers vous proposent de visiter leurs caves dans des conditions très privilégiées, vous battez des mains comme un enfant à qui on aurait proposé d’aller rencontrer le Père Noël en Laponie, entouré de ses rennes et de son traineau. Visiter la cave des plus grand noms, c’est s’enfoncer sous terre, dans les crayères aux dimensions de cathédrale et s’ouvrir sur le monde du rêve. Le rêve de ces bulles très fines qui procurent le plus vif des plaisirs par assemblage de trois cépages magnifiques. Approcher de près le secret de ces maisons qui cultivent un amour infini de la vigne et une quête de la perfection pour continuer à demeurer à jamais la boisson de toutes les fêtes.

Ruinart est une maison discrète et exigeante. Le fondateur de la lignée a été le premier à croire dans cette boisson pétillante qui n’a connu son essor qu’à la suite d’une décision royale en 1728 d’autoriser le transport du vin par bouteille. La Maison Ruinart a ensuite connu des vicissitudes suite aux guerres du XXème siècle, mais elle s’est relevée de manière magistrale avec son sublime « Blanc de Blancs » sorti en 2001. Un Champagne  qui est entré dans l’Histoire par sa fraîcheur incomparable. Son grand frère, le Dom Ruinart est, quant à lui, l’astre lumineux au sein de la marque. Il vous glisse dans le palais avec des manières d’aristocrate. Tout en douceur, suave, subtil et bien éduqué comme le prince bien né qu’il est, mais qu’il a la bonne grâce de ne pas revendiquer trop fort. Une merveille…

La visite de Ruinart est une féérie pour les yeux. Tout dans la propriété montre une passion humaine qui se poursuit de générations en générations.

 

La crayère est impressionnante et fait de la Maison Ruinart un lieu majestueux où vous vous surprenez à parler à voix basse, comme dans les cathédrales.

Le Dom Perignon est lui intimement mêlé au Moet & Chandon dont il constitue la marque haut de gamme. Il s’épanouit, au fur et à mesure que le groupe LVMH se développe et contrôle de larges parcelles parmi les grands crus. C’est un champagne d’élite qui joue sur les millésimes, mais ne naît pas tous les ans, notamment quand la récolte est médiocre. Il est issu de savants assemblages et des meilleures vignes de la Champagne, tout en restant fidèle aux raisins de ses origines, la colline de Hautvillers. Une église entourée de vignes qui accueille le tombeau de Dom Perignon

Ce moine contemporain de Louis XIV a été le premier à concevoir l’effervescence à la base du champagne. Ses lointains héritiers ne sont plus des religieux, mais ils conservent la même passion pour faire le champagne de tous les superlatifs. Le Dom Perignon, dans son émanation la plus subtile, l’étonnant P2, revendique son statut de vin avant celui de champagne. Ses bulles sont fines, et se font presque oublier. C’est l’onctuosité d’un vin blanc d’exception qui prime sur la pétillance. Une très belle expérience gustative, d’autant plus appréciable qu’elle restera rare. Le Dom Perignon tutoie hélas les sommets en terme de prix…

La visite des caves de Moet & Chandon est une fête. Sous la petite ville d’Epernay, vous parcourez des kilomètres de galeries qui accueillent des millions de bouteilles. Elle sont rangées horizontalement ou verticalement pour faire descendre le dépôt (elles sont dites « en pointe » comme des danseuses ). Sagement empilées sur des rangées à la profondeur incertaine, elles s’affichent anonymes, sous des écriteaux sibyllins, sans étiquettes, sans signes distinctifs, sinon la promesse qu’elles véhiculent de créer l’esprit de la fête dans tous les coins du monde où elles seront dégustées. Vous réalisez alors que ce petit coin de France, avec ses 110 kms de caves, fait maturer, lentement mais sûrement toutes les prochaines fêtes de la planète. Comme une usine à bonheur…

La vierge complice du temps qui peaufine ces trésors